lundi 24 mars 2008

Inconnus criminels


C
ertains brigands comme Cartouche ou Mandrin ont marqué les esprits de leur temps au point que leur mémoire a survécu jusqu'au nôtre. D'autres, moins connu, ont parfois fait l'objet d'études particulières, comme Blaise Ferrage, pour illustrer un phénomène particulier.

Jean-André Tournerie, dans son livre Criminels et vagabonds au siècle des Lumières (éditions Imago, 1997, ISBN 2-911416-07-4) suit une voie quelque peu différente. Il s'attache en effet à présenter plusieurs cas d'inconnus ayant eu maille à partir avec la police ou la justice, en respectant les trois unités de la tragédie : le lieu (la Touraine), le temps (la deuxième moitié du XVIIIe siècle) et l'action (tous ces inconnus vivent une « crise », chacun à sa manière).

L'objet du livre, tel qu'exprimé dans l'avant-propos et tel que je l'ai effectivement ressenti à la lecture de l'ouvrage, est de faire partager ces instants de vie, ces contextes, ces procédures, tant dans ce qu'ils ont de commun que dans ce qui les différencie. Loin de l'essai académique un peu aride, et sans pour autant tomber dans le roman-feuilleton; Jean-André Tournerie nous brosse ces portraits de mendiants, de soldats,d'artisans, de comédiens, et de leurs démêlés respectif.

Une façon agréable de nous faire ressentir quelques aspects de la société des Lumières.

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Un commerçant peu recommandable


L
es traites esclavagistes forment une grande tache sur les pages de l'histoire de l'humanité. Et la traite négrière, dans son développement industriel – si j'ose dire – du XVIIIe siècle, est plus qu'une ombre dans ce siècle des Lumières.
Les études actuelles sur le sujet ne manquent pas, certaines ayant même soulevées des polémiques au couer même du monde scientifique. Mais il n'existe pas pléthore de documents contemporains de cette traite à être facilement disponibles pour des lecteurs d'aujourd'hui.

En publiant le journal du capitaine William Snelgrave, les éditions Gallimard mettent à portée de tous un document saisissant : Journal d'un négrier au XVIIIe siècle. Nouvelle relation de quelques endroits de Guinée et du commerce d'esclaves qu'on y fait (1704-1734) (éditions Gallimard, collection Témoins, 2008, ISBN 9782070782154).
Saisissant à plusieurs points de vue. En premier lieu par la précision de ce regard de l'intérieur, mêlant tout à la fois la curiosité d'un explorateur et la rigueur froide et comptable d'un épicier. Saisissant, aussi, par la démonstration que fait William Snelgrave des bienfaits de l'esclavage, y compris pour les Africains eux-mêmes.
Ce récit, auquel son style confère parfois des accents de roman d'aventures, bénéficie d'une très intéressante introduction par Pierre Gibert.

Un livre qui ne manquera pas, je pense, de saisir de frissons glacés les lecteurs d'aujourd'hui.


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Consultez la fiche du livre sur le site de l'éditeur.

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mercredi 19 mars 2008

Petits instants dans le salon


L
e fabricant de miniatures The Foundry produit une gamme dix-huitièmiste dont je suis friand, et dont je vous ai fait connaître quelques exemples.

La saynette d'aujourd'hui pourrait s'intégrer dans un petit salon. Mais la référence au chevalier d'Eon pour le personnage assis faisant la lecture me fait sourire : je le trouve bien plus sage, là, que ce qui se raconte sur lui, jusque dans ses propres mémoires.



(Figurines The Foundry)

mardi 18 mars 2008

Suites originales


S
'il m'arrive d'avoir un peu de mal avec le graphisme de certaines cases ou planches des Suites vénitiennes de Warnauts et Raives, parfois du simple fait des choix dans la mise en couleurs, certaines illustrations en couleurs ou certains crayonnés sont nettement plus à mon goût.
Certains d'entre eux sont visibles sur le site de la galerie Daniel Maghen, une caverne d'Ali Baba pour les bédéphiles passionnés de dessins originaux.



Cette planche-ci me plaît tout particulièrement :





Elle rend particulièrement bien l'ambiance des Suites vénitiennes, avec ciel de sang et jeux de masques sur la Sérénissime.

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lundi 17 mars 2008

Dites-moi à quoi vous jouez, je vous dirai qui vous êtes


L
'univers des jeux attire ma curiosité rien que par la diversité des noms de jeux. Certains claquent, d'autres rebondissent, certains glissent, d'autres intriguent. Trictrac, biribi, whist, balle à l'escaigne.

Le livre d'Elisabeth Belmas, Jouer autrefois – Essai sur le jeu dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle) (éditions Champ Vallon, 2006, ISBN 2-87673-433-8) aborde les jeux non seulement dans leur diversité de formes, mais bien plus largement : sur le plan social, où le jeu est parfois vu comme la voie vers la perdition de l'âme (pour les pouvoirs religieux) ou de l'ordre public (pour les pouvoirs civils), mais aussi un révélateur des relations humaines, entre jeux populaires et jeux des élites, ou encore un pilier d'une certaine économie où les fortunes, plus ou moins grandes, se font et se défont.

Un essai tout à fait passionnant, et pas rébarbatif du tout.


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Quelques extraits de presse, sur le site de l'éditeur.

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dimanche 16 mars 2008

Plume à solde


S
i mes billets se font plus rares ces dernières semaines, ce n'est pas que ma passion dix-huitièmiste s'est émoussée, mais que j'ai tourné ma plume, temporairement, vers l'écriture pour la contribution à la gamme d'un jeu de rôles ancré dans le XVIe siècle et plus particulièrement la période de nos guerres de religion, Te Deum pour un massacre.

Je reprendrai une écriture plus soutenue dans ce blog une fois cette période "tedeumiste" intense passée.

Ne vous éloignez donc pas ! :-)

lundi 10 mars 2008

A la table des doges


P
eut-être qu'à l'image d'un Orazio Bagnasco ou d'un Jean-François Parot, et sans pour autant prétendre que je tire l'épée ou la plume avec le même talent qu'eux, j'apprécie que les plaisirs de la table prennent une place qui dépasse l'anecdote, dans les récits, dans la grande Histoire et la petite.
Et je vous avais invités à ouvrir deux ouvrages, deux beaux livres autour de Casanova et des arts de vivre : Casanova gourmand, et Casanova, les plaisirs de la chère.


Je ne pouvais donc que continuer dans cette voie, avec un livre qui nous régale de l'histoire et des recettes de la grande cuisine vénitienne : La table des doges, de Pino Agostini et Alvise Zorzi (éditions Casterman, 1992, ISBN 2-203-603303-8). Un grand connaisseur de la cuisine méditerranéenne, un maître de l'histoire et de la civilisation vénitienne, servis par les superbes photographies de Luca Steffenoni.

Hors d'oeuvre, entrées, poissons, viandes, desserts. Des recettes en-veux-tu en-voilà, à la fois en français et en vénitien.

A savourer avec des amis, ou en égoïste. ;-)

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lundi 3 mars 2008

Un Africain à la cour de Bartabas


Le chevalier de Saint-George est une figure emblématique du Siècle des Lumières, notamment parce qu'il représente le produit d'un grand écart social, fils d'un gentilhomme et d'une esclave, et parce qu'il a été une des plus fines lames de son temps et un compositeur de musique talentueux (mais peut-être pas aussi talentueux que Mozart, comme on le lit parfois).


Tout comme il a invité à sa cour l'aventurier René Madec, Bartabas a pris ce personnage à bras le corps, avec son Académie du spectacle équestre de Versailles. Ce spectacle, inspiré par le livre de Claude Ribbe, mêle chorégraphies équestres et fantaisies pyrotechniques sur des musiques du chevalier de Saint-George, dans le splendide cadre de Versailles et notamment son bassin de Neptune, ici encore remarquablement mis en valeur.

Comme pour le spectacle sur René Madec, le rendu de cet hommage à Saint-George perd de la profondeur en se retrouvant gravé sur la galette d'un DVD. Au point que montures et cavaliers emblent parfois empesés. Echo sincère d'une réalité où les artistes à deux et quatre jambes ont été des artisans appliqués plutôt que des artistes, ou artéfact du passage en deux dimensions qui enlève ladite profondeur ?


Il faut toutefois être honnête et reconnaître que la caméra nous permet de nous approcher de ces centaures en habit comme le seul oeil ne nous le permet pas quand nous sommes assis dans les tribunes pour le spectacle. Gagne-t-on autant ainsi que ce que l'on perd ? Je ne saurais trancher de manière définitive.


Photo Jean-Paul Lozouet, avec son aimable autorisation expresse


Toujours est-il que ce DVD nous offre un très beau spectacle, en séance de rattrapage pour ceux qui ne l'auraient pas vu en direct.
Quant au reportage offert en bonus (Bartabas à la rencontre de Saint-George, réalisé par Arnaud Emery), il nous permet de comprendre la construction de ce spectacle, depuis les premières idées jusqu'à sa concrétisation. Une vue par les coulisses comme seuls des privilégiés pourraient en avoir « en direct ».

Comptez-vous hésiter encore longtemps ?


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D'autres photographie de ce spectacle par Jean-Paul Lozouet sont visibles sur ce site-là .


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