En achetant le livre de Jean-Pierre Allinne, L'anthropophage des Pyrénées, Le procès de Blaise Ferrage, violeur et assassin au XVIIIe siècle (éditions Cairn, 2005, ISBN 2-35069-031-2), je caressais l'espoir que ce ne soit pas une sorte de récit à sensation brodant autour d'un fait divers qui avait fait les beaux jours des journaux de l'époque et des colporteurs. Le fait que l'auteur soit un professeur d'histoire du droit à l'Université de Pau et des pays de l'Adour avait contribué à me rassurer a priori.
Me voici arrivé au bout de la lecture de cet ouvrage, et force m'est de reconnaître qu'il a dépassé mes espérances. Car là où je pensais ne trouver qu'une chronique juridique ou judiciaire, j'ai trouvé un ouvrage à la portée plus ambitieuse. En effet, en utilisant les crimes de Blaise Ferrage comme porte d'entrée, Jean-Pierre Allinne nous fait découvrir un panorama très large, allant de la vie dans les vallées de l'Ariège dans les années 1780 jusqu'au processus judiciaires prévalant à cette époque.
Le chapitre « Terre pyrénéenne » permet de comprendre la spécificité de ces vallées, tant dans leur conformation morphologique que dans leur vie sociale organisée autour de la maison, de la famille et de la communauté, et dans leurs systèmes de représentation déclinants.
Le chapitre « Insistante violence » remet les crimes de Blaise Ferrage (surtout des viols) en perspective avec les violences de ce temps-là et l'acceptation ou la non-acceptation de certains actes par la société du XVIIIe siècle en général et la société valléenne ariégeoise en particulier. Un temps où il importe moins, aux yeux de ce groupe social, de violer une fillette gardienne de vaches que de brûler une étable et les vaches qu'elle abrite.
Les chapitres « L'homme sauvage » et « L'ogre mondain » mettent en relief la façon dont une certaine élite urbaine portait un regard méprisant sur le petit peuple rural, à la fois vecteur de peurs contemporaines et écho de peurs ancestrales, et la manière dont la société de ce temps-là, friande du malheur des autres qui lui fait oublier le sien, se délectait de ces récits horribles tout en pointant du doigt ces perversions réprouvées par la morale.
Avec le chapitre « Le procès », l'auteur nous brosse non seulement le portrait des différentes étapes de cette procédure judiciaire, mais également les complexes relations entre justice locale et justice royale, les démêlés ouverts ou cachés entre accusateurs et accusés, et les réflexions de l'époque autour des vertus pédagogiques, si j'ose dire, des formes de punition des délinquants.
Cet ouvrage, qui me semble accessible à tout lecteur même s'il n'est, comme moi, ni juriste ni sociologue, est donc très prenant à lire. Je dirais même à dévorer, car c'est ainsi que j'ai ressenti le plaisir à le lire. Le dévorer n'a pas fait de moi un anthropophage, pas plus que ne l'était Blaise Ferrage, qui avait déjà assez de poids à porter avec ses viols, son meurtre et ses incendies.
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Et glanez quelques détails sur les éditions Cairn (n'hésitez pas à consulter leur catalogue, qui contient des titres très intéressants).
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