mardi 10 septembre 2013

Courage, fuyons !

N’ayant pas franchement le goût du martyre « culturel », je n’ai jamais éprouvé de honte à laisser un livre me tomber des mains quand sa lecture devient une épreuve insupportable ; ni à quitter mon siège de spectateur face à un film, une pièce de théâtre ou une représentation musicale qui confine au calvaire.
Ma dernière retraite stratégique, en matière cinématographique, je l’ai mené face à une armée hétéroclite menée par quelques figures qui ont montré, en d’autres occasions, qu’elles ont – ou avaient – du talent (comme Fany Ardant, avec son charme à la fois proche et distant), épaulées par des gloires de la guerre précédente (Michel Serrault, qui parodie Serrault), trahies par des colonels qui ont acheté leur régiment sans avoir le moindre talent guerrier (Arielle Dombasle, qui donne envie de l’étrangler pour la faire taire), acoquinées avec des officiers fantasques qui ne brillent qu’à une bataille sur cinq (Vincent Perez, largement mieux inspiré dans Le Bossu de Philippe de Broca) ou dont on se demande ce qu’ils viennent faire là (Josiane Balasko, endossant un rôle tout en lourdeur et vulgarité), le tout sous le bâton d’un maréchal dont on a du mal à citer une bataille talentueuse (ne parlons même pas d’une bataille raffinée !).
Oui, aimables lectrices et lecteurs, j’ai battu en retraite – mais dans la dignité, bien sûr – face au Libertin (2000) de Gabriel Aghion.



Pour le dire simplement, ce Libertin est au genre libertin dix-huitiémiste ce que Blanche (2002) de Bernie Bonvoisin est au genre de cape et d’épée. Un « truc » indéfinissable, qui semble essayer de mélanger les références irrévérencieuses aux canons du genre et la kolossale farce franchouillarde. Indéfinissable, mais pas inqualifiable, au moins sur l’échelle de mes goûts : le degré zéro.
Je comprends qu’Éric-Emmanuel Schmitt n’ait pas été ravi de voir qu’Aghion a fait de sa pièce de théâtre, Le libertin (1997), dont le film s’est inspiré (de loin, en ce qui concerne la légèreté...).

Le libertin, c’est Denis Diderot, qui se réfugie dans le domaine rural du baron et de la baronne d’Holbach, pour écrire sans tarder l’article « Morale » de l’Encyclopédie. Manque de chance pour lui, le château des Holbach est fréquenté par une faune foutraque, un cardinal dévot, une nymphomane, deux bougres, un eunuque, j’en passe et des moins légers. Alors voilà Diderot en funambule, marchant sur le fil qui sépare la philosophie (et sa morale collective) et le libertinage (et ses plaisirs personnels).
Celles et ceux qui ont applaudi le Pédale douce du même Gabriel Agion – celui qui avait adapté la britannique et succulente et grinçante série Absolutely Fabulous (1992-2012) pour en tirer le navrant film Absolument fabuleux (2001) – applaudiront peut-être ce Libertin. Pour ma part, j’ai plié bagage.

Je vais plutôt me revoir Ridicule (1996) de Patrice Leconte ou Que la fête commence ! (1975) de Bertrand Tavernier. La comédie grinçante dix-huitiémiste, il y en a qui savent faire.


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