lundi 30 avril 2007

Beaumarchais aux cent facettes

Mes carnets s'ouvrent aussi aux oeuvres de grand et petit écran ayant pour cadre ce dix-huitième siècle avant la Révolution française.
Et pourquoi ne pas commencer avec Beaumarchais l'insolent, d'Edouard Molinaro (1996), dans lequel Fabrice Lucchini incarne Pierre Caron de Beaumarchais ?

Vous connaissez sûrement Beaumarchais l'homme de théâtre. Mais le réduire à cette facette serait oublier qu'il a été horolo
ger, maître de harpe des filles du roi Louis XV, diplomate, intrigant, marchands d'armes pour les Insurgés états-uniens en lutte contre la domination anglaise, agent secret et même magistrat.

Sacha Guitry a dit de lui :

Avoir été le plus grand auteur dramatique de son temps,
avoir été l'homme le plus aimé et le plus haï du XVIIIème siècle,
avoir été léger, narquois, rusé, mordant, avoir eu de l'esprit comme quatre et de l'audace à revendre,
avoir aimé l'amour et dévoré la vie, s'être mê1é de tout ce qui ne le regardait pas, avoir
démasqué l'imposture, combattu l'injustice et fouillé la sottise, avoir été l'instigateur de l'événement politique le plus considérable de son époque,
avoir changé trois fois de nom,
avoir eu cinquante navires,
avoir été l'agent secret du roi,

avoir souffert la médisance et toléré l'ingratitude,
avoir été mis en prison trois fois et ne s'être jamais départi d'un sourire propre à le faire exécrer jusqu 'au jour de sa mort, propre à le faire aimer toujours,
n'était-ce pas assez pour devenir le personnage central d'une comédie qui ressemblerait à un roman d'aventure si notre héros n'était pas l'intelligence même ?




Ce film vous amène à découvrir certaines de ces facettes.

Un coup de tricorne aux autres acteurs de la distribution : Michel Serrault, Jean-Claude Brialy, Sandrine Kiberlain, Jacques Weber, Jean-François Balmer ou encore Jean Yann.


Pour aller plus loin


  • Une page sur ce film et Beaumarchais sur le site du Ministères des affaires étrangères.

  • En complément de ce film, un excellent numéro de la collection Découvertes, chez Gallimard : "Beaumarchais, Le Voltigeur des Lumières", par J.-P. de Beaumarchais (1996).

  • Et bien sûr, la lecture du Mariage de Figaro.

Canaletto économise votre écran

Vous en avez assez des "économiseurs d'écran" classiques, qu'ils soient aquariums ou voyages dans l'espace ?


Invitez donc Canaletto à vous présenter une partie de ses toiles, avec cette galerie mouvante construite à partie d'extraits de douze de ses tableaux.


Malheureusement pour mes lecteurs travaillant sous Mac ou sous Linux, ce sympathique utilitaire semble n'exister que pour Windows.

dimanche 29 avril 2007

Quand le vent soufflait sur la BD

Mythique, exceptionnelle, magnifique, extraordinaire, époustouflante... Les qualificatifs les plus élogieux sont utilisés pour parler de la série Les passagers du vent. Scénariste, dialogue, dessinateur, François Bourgeon est le réalisateur de cette pentalogie qui, parue entre 1980 et 1984, a marqué l'histoire de la bande dessinée, et fait encore référence aujourd'hui et, gageons-le, pour longtemps encore.

En nous entraînant dans le sillage de son personnage central, Isabelle, Bourgeon nous emporte dans cette fin du XVIIIe siècle, à l'orée de notre Révolution française, pour une formidable fresque à la fois humaine et maritime. Les destins des êtres humains, hommes et femmes, s'y mêlent et se démêlent, des aristocrates aux simples matelots, des rois africains aux esclaves du même sol, des ladies des landes anglaises aux planteurs de Saint-Domingue. Et les navires sont eux aussi, à leur manière, des personnages de cette fresque, des seigneurs des mers que sont les vaisseaux de 74 canons aux navires négriers, des pontons anglais aux corsaires français.

Parmi tous les personnages, je retiens surtout deux révoltes : Isabelle, en rébellion contre la condition faite aux femmes de son temps, et Alihosi, en rébellion contre son avenir d'esclave. Deux révoltes dont les issues seront différentes, prouvant que le poids du destin n'est pas aisé à secouer de ses épaules.


Après avoir lu, voire relu, les cinq tomes de la série, vous pourrez trouver, dans le livre de Michel Thiebaut, Les chantiers d'une aventure, d'autres clés de compréhension de cette série et de sa genèse, et de l'art de François Bourgeon.

Bon vent à vous.

Retrouvez cette série sur le site de la Bédéthèque.

samedi 28 avril 2007

Un drôle de chevalier

Cette période d’ombres et de lumières est riche en personnages sortant de l’ordinaire. Je m’en ferai l’écho ici, qu’ils soient célèbres ou moins célèbres.

J’ouvre cette galerie avec Charles Geneviève Louis Auguste Timothée de Beaumont, chevalier d’Eon (Tonnerre, 1728 - Londres, 1810).

Son histoire est compliquée à souhait, Eon lui-même, les mémorialistes et les historiens de seconde main l’ayant embrouillée à plaisir.

Fils d’un avocat au Parlement, il fait des études de droit, est reçu à la licence et se fait connaître par des ouvrages d’histoire et d’économie politique.
Son apparence fragile dissimule une exceptionnelle force nerveuse. Cavalier accompli, il est aussi l’un des meilleurs escrimeurs de son temps. Un homme à qui il vaut mieux ne pas donner prétexte à tirer l’épée. La prudence s’impose d’autant plus qu’il est habité par la susceptibilité inquiète de ceux dont l’assise sociale manque de solidité.

En 1755, il devient agent de la diplomatie secrète française, et part à Saint-Pétersbourg comme agent du « Secret du Roi ». Par la suite, il servira à Londres, où ses démêlés avec l’ambassadeur, le comte de Guerchy, et le fait qu’Eon détienne des documents secrets font passer la France tout près d’une crise majeure.
Avec d’Eon, le Secret a recruté l’un des meilleurs et l’un des pires agents de l’histoire des services spéciaux français.

Le chevalier d’Eon est aussi connu pour s’habiller en femme (sans doute à partir de 1769), sans que l’on sache bien la raison de cette fantaisie. Certains ne manquent donc pas, hier comme aujourd’hui, de soulever la question de son "hermaphrodisme". Mais les livres que j’ai consulté sur Eon ne faisait pas état de preuves de cela.
Gilles Perrault, l’auteur du Secret du Roi, indique ceci, à propos du chevalier :
"Ami des pires débauchés de Paris, il les étonne par sa parfaite sagesse ; ses amis disent qu’il est « pétri de neige » : lui-même évoquera dans une lettre de 1771 au comte de Broglie « le calme de mon tempérament naturel » et s’avouera « assez mortifié d’être encore tel que la nature m’a fait », c’est-à-dire puceau. Au physique, il est joli, délié, avec un visage fin et imberbe, des mains de fille".
Eon avait donc probablement une sorte de grâce féminine, qu’il accentuait en se travestissant. Mais rien n’indique qu’il était hermaphrodite, au sens médical de ce terme.


Quelques lectures sur le chevalier d’Eon (il y a en beaucoup d’autres, mais j’indique celles que j’ai sur les étagères de ma bibliothèque) :

Mémoires du Chevalier d’Eon. Capitaine de dragons, Chevalier de Saint-Louis, Ministre plénipotentiaire de France à la Cour d’Angleterre.
J’en ai trouvé, chez un bouquiniste, une édition "récente", aux Editions de Saint-Clair (Paris), 1967. Cette édition reproduit le texte de l’édition publiée en 1836 chez Ladvocat, libraire à Paris.
Ce livre, c’est Eon par lui-même. Quand on connaît la propension d’Eon à plus qu’enjoliver les récits le concernant, on prend cette lecture avec des pincettes quant à la véracité des épisodes qui y sont contés. Néanmoins, c’est une lecture passionnante.


Madame le Chevalier d’Eon, de Michel de Decker, chez Perrin France Loisirs, 1987.
Professeur, scénariste, journaliste, conférencier et animateur d’émissions historiques à Radio-France Normandie, Michel de Decker est parti sur les traces du chevalier d’Eon dans cet essai qui montre les différentes facettes du personnage.


Le Secret du roi (tome 2 : L’ombre de la Bastille), de Gilles Perrault, chez Fayard (Paris), 1993.
Voilà un livre qui se lit comme un roman d’espionnage. Le chevalier d’Eon est présent dans de nombreux passages de ce livre. Pour préparer la revanche sur l’Angleterre après le désastreux traité de Paris (1763), des agents secrets sont envoyés repérer les côtes anglaises en vue d’un débarquement. Tout se passe bien jusqu’à ce que le chevalier d’Eon, en bisbille avec l’ambassadeur de France à Londres, en menace de faire défection et de dévoiler l’entreprise aux Anglais.

Un voyage inachevé

Sur les rayons de ma bédéthèque personnelle, quelques oeuvres couvrent à la fois ma passion pour le dix-huitième siècle et ma passion pour la mer. Parmi elles, les deux tomes du Passage de Vénus, de Dethorey et Autheman (Ed. Dupuis, collection Aire Libre, ISBN 2-8001-2658-2).

Ils narrent une partie du voyage de Bougainville et de ses compagnons autour du monde, la narration étant centrée sur le naturaliste Commerson et sa compagne Jeanne Barré (qui, à bord, se fait passer pour un homme).
L'art de Dethorey est très prenant, tant dans ses lumières éclatantes que dans ses clairs-obscurs.

Pourquoi ne narrent-ils qu'une partie seulement de ce voyage ? Parce que le troisième tome, qui devait clore le récit, n'a jamais été publié, Dethorey étant décédé alors qu'il travaillait au deuxième tome. Ce deuxième tome comprend donc une partie illustrée par Dethorey, et une autre dessinée par François Bourgeon, tout en crayonné au noir et blanc.

Je trouve cette juxtaposition très émouvante. Bourgeon a, en effet, marqué d'une empreinte ineffaçable, la BD maritime, et même la BD tout court et les récits maritimes, avec ses Passagers du vent (je les évoquerai dans un prochain billet). Ce Passage de Vénus, sous les mains de Dethorey, était donc un vrai défi, celui de l'exploration d'une autre voie graphique, d'un autre sens du récit, pour une exceptionnelle aventure maritime. Et voilà que c'est Bourgeon, qui, d'un crayon sobre mais finalement pas sombre, qui a terminé le deuxième tome du Passage de Vénus.

S'il peut être frustrant de ne pas avoir eu ce troisième tome, je comprends tout à fait la décision de l'éditeur et du scénariste de ne pas poursuivre l'aventure sans Dethorey. Le naturaliste Commerson est mort pendant le voyage de Bougainville, et Dethorey, qui l'avait choisi comme personnage central, n'a pas fini le voyage, lui non plus.

vendredi 27 avril 2007

Canaletto entre vos mains

Giovanni Antonio Canal (1697-1768), plus connu comme « Canaletto » est sans conteste un des grands noms de la peinture vénitienne, de la peinture du XVIIIe siècle, et même de la peinture en général.

Les éditions Phaidon mettent entre vos mains, en version française, le formidable travail que lui a consacré J. G. Links. L'oeuvre du maître – peintures et dessins – est abordée sous divers points de vue. Celui de la technique artistique est présent, bien sûr. Cependant, le corps de l'ouvrage remet cet aspect en perspective par rapport à la vie du Canaletto et à sa manière d'observer et de traduire le monde qui l'entoure. Ses vedutte, c'est-à-dire ses vues panoramiques de villes, que ce soit Venise ou Londres, démontrent non seulement sa maîtrise de la technique (perspectives, jeux de lumière, etc.) mais également son extraordinaire talent à rendre palpables les ambiances. Loin d'être des scènes froides où ne brille que l'architecture, ses vues fourmillent de détail du quotidien, des ouvriers mettant à l'eau une gondole à une femme secouant du linge à la fenêtre, en passant par des commerçants parlant affaires.


A défaut de dépenser quelques sacs de ducats pour acquérir un original, versez quelques sequins et acheter ce livre qui vous offrira tout Canaletto (ou presque) à emporter sous le bras et à savourer à votre rythme.


Voici une porte vers des sites de musées et galeries présentant ses oeuvres.

Fragments casanoviens

Il y a quelques mois, j'ai eu un coup de coeur graphique pour un livre. Au-delà de mon goût pour ce qui tourne autour du Vénitien, j'ai craqué pour ce beau livre, au format séduisant : Fragments de Mémoires, de Casanova et Brody Neuenschwander.

Il est constitué d'extraits des Mémoires de Casanova, sur les pages de gauche, et des travaux graphiques (calligraphies, collages, etc.) sur les pages de droite.
Un exercice audacieux, original, qui ne laisse pas indifférent : on adore ou on déteste.

Vous pouvez consulter la fiche du livre, sur le site des Editions Alternatives.
Un éditeur que je ne connaissais pas du tout jusqu'à aujourd'hui. Et ce livre m'a donné envie de regarder leur catalogue de plus près.

A tout seigneur, tout honneur

Je ne pouvais faire autrement que de consacrer mon premier billet à celui qui m’a transmis la flamme du dix-huitième siècle, Giacomo C.

Pas exactement Giacomo Casanova, donc, mais le portrait en images et textes qu’en ont tracé Griffo et Dufaux dans leur série de bandes dessinées librement inspirées du célébrissime Vénitien.

Si je n’étais pas ignorant du dix-huitième siècle avant de me plonger dans le premier tome de la série, c’est ce quatuor (le dessinateur, le scénariste, l’aventurier et son valet) qui a allumé les premiers feux de ma passion, dans mille et une directions.

D’abord, l’envie de découvrir Casanova, tant le mythe que ce qu’il y a derrière le mythe. Le mythe qu’il a lui-même contribué à construire, au travers des ses Mémoires, et que bien d’autres ont entretenu et développé, souvent à tort et à travers, au point de sombrer dans la caricature.

Puis celle de me lancer à la découverte de la Venise du Settecento. Une découverte à distance, car je n’ai pas encore, à ce jour, visité la Sérénissime.

Le plaisir de retrouver, par exemple, dans des tableaux du Canaletto, des scènes ou des détails qui ont inspiré des cases sous le pinceau de Griffo. Puis, de Canaletto, passer à Guardi, Longhi, Tiepolo ou Carriera.

Ouvrir les yeux sur l’élégance du tricorne et celles de villas de la Brenta.

Fouiller des encyclopédies sur les jeux, pour comprendre le pharaon et la bassette.

Flâner de Goldoni en Gozzi, de Murano en Morée.

Je n’irai pas débattre de savoir si la BD est ou n’est pas un art. Je me contenterai de dire que la série Giacomo C. a été la clé qui m’a ouvert les portes du dix-huitième siècle, comme aucun autre livre, aucun autre film, n’avait réussi à le faire jusque là, et qu’elle m’a amené à regarder différemment des choses que j’avais survolées, ou délaissées. Sans Giacomo C., je n’aurais peut-être pas découvert ou redécouvert avec autant de goût les tableaux de Nattier, les pages de Marivaux ou l’escrime de d’Angelo.

Alors, si vous appréciez les histoires bien racontées en mots et en images, les intrigues de palais et les chuchotements de boudoirs, les maîtres désargentés et les valets impertinents, les chevaliers d’industrie et les femmes mystérieuses, embarquez pour Venise sur les pas de Giacomo C.

N'hésitez pas à consulter la fiche de cette série sur le site de la Bédéthèque.

samedi 14 avril 2007

En guise d’introduction

Cet espace est consacré principalement à la deuxième moitié du dix-huitième siècle, et plus particulièrement la période 1750-1790.
C’est une période que j’ai découverte en suivant les pas de Giacomo Casanova, l’esprit de Madame du Châtelet, le sillage de Louis-Antoine de Bougainville, ou le pinceau de Thomas Gainsborough. Ainsi que la pellicule de Stanley Kubrick ou les romans de Jean-François Parot.
J’ouvrirai les pages de ce carnet de voyages à des aspects très divers, sans autre prétention que de vous inviter aux voyages et aux rencontres dans le temps et l’espace, de Paris à Venise, de Boston à Pondichéry.

Parallèlement à cela, le jeu de rôles est une autre de mes passions, que je pratique en tant que joueur et en tant qu’auteur amateur. Or, cette deuxième moitié du dix-huitième siècle a peu été exploitée comme univers de jeu de rôles. Cet espace sera donc, également, le lieu de rencontre de ces deux passions, dans un projet d’écriture d’un jeu de rôles ayant pour cadre ce dix-huitième siècle que j’apprécie tant.

Posez votre tricorne sur votre tête et votre cape sur vos épaules, je serai votre guide.


Votre dévoué Monsieur de C.