vendredi 1 février 2008

Le maharadjah de Chambéry

Quand vous naissez fils de pelletier, en 1751, à Chambéry (dans cette Savoie qui appartient alors au roi de Sardaigne), qui pourrait penser que vous serez un jour un des grands hommes des Indes, riche à millions ? Pas grand monde, certainement. Il faut probablement un coup de pouce, un événement qui vous écarte de la voie qui semble toute tracée pour vous, celle de la reprise de la pelleterie paternelle.

Pour Benoît Leborgne, le coup de pouce, c'est la colère d'un mari trompé ! S'éloignant avec célérité et discrétion de Chambéry, le galant entame une carrière de soldat, qui va le mener en Flandre, à l'île Bourbon (notre actuelle île de la Réunion), en Turquie et en Russie. Il n'y a là rien d'infamant que de services d'autres couronnes que celle sous laquelle on est né, en ce siècle où le sentiment national n'existe pas vraiment.
Mais c'est en 1782 qu'il franchit un grand pas, en arrivant à Calcutta, sans un liard en poche, pour se mettre au service de l'East India Company, la Compagnie anglaise des indes orientales. En 1784, il passe à Madras au service d'un autre pouvoir, celui du maharadjah Mahadadji Râo Sindhia, un prince marathe qui poursuit le rêve hindou rêve de reprendre les Indes aux dominateurs moghols, souverains musulmans d’origine turco-mongole.

Benoît Le Borgne, qui a arrangé son nom en Benoît de Boigne, transforme l'armée de Mahadadji Râo en prenant exemple sur les armées européennes. Ses victoires, qui font de Mahadadji Râo le maître de l'Hindoustan, et l'amitié du prince lui valent d'amasser une grande fortune. Quand Mahadadji Râo décède en 1794, Benoît de Boigne - alors généralissime des armées du Grand Moghol, maharadjah, et souverain d'un royaume grand comme la France - ne cède pas à la tentation de prendre le pouvoir lui-même, et sert fidèlement le successeur légitime, Daulat Râo Sindhia.
Rentré en Europe en 1796, puis en Savoie en 1802, il obtient le titre de comte et consacre sa vie à des oeuvres de bienfaisance, jusqu'à sa mort en 1830, dans cette ville même où il était née. En son hommage, Chambéry fera dresser en 1838, par le sculpteur grenoblois Sappey, la surprenante « Fontaine aux éléphants ».


L'épopée flamboyante de Benoît de Boigne peut être découverte sous l'angle du roman, par exemple grâce à Benoît le Borgne, maharadjah, de Ghislaine Schoeller (éditions Robert Laffont, 1995, ISBN 2-226-07333-8), ou Le mercenaire du Gange, de Michel Larneuil (Albin Michel, 2000, ISBN : 9782226079732 ; LGF - Livre de Poche, 2002, ISBN-13 : 978-2253152439).

La fin de vie de Benoît de Boigne nous est connue notamment au travers des Mémoires de la comtesse de Boigne, Adèle d'Osmond, qu'il a épousée en 1798 (éditions Mercure de France, collection Le temps retrouvé, 1999, ISBN-13 : 978-2715221789).


Mettez vos pas de ceux de Benoît de Boigne, les Indes enivrantes vous attendent.

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