mardi 15 janvier 2008

Comme l'âne de Piron

Quand j'étais petit, s'il y avait bien une expression de famille qui me faisait rire, c'était « il est con comme l'âne de Piron ». Certes, l'allitération en « on » n'était pas riche, mais l'expression me faisait rire. Je ne savais pas trop qui était ce Piron, dont j'avais fini par penser qu'il était un ami de mes grands-parents (plutôt friands de l'expression en question) et qu'il possédait un quadrupède aux capacités si peu développées qu'elles en arrivaient à être inférieures la réputation injuste collant à cette espèce.

Ce n'est que bien plus tard que je découvris l'existence d'Alexis Piron, poète et dramaturge du XVIIIe siècle (1689-1773). L'article qui lui est consacré dans le livre de Jean Viguerie Histoire et dictionnaire du temps des Lumières (éditions Robert Laffont) indique de Piron s'est attaqué à de nombreux styles (tragédies, comédies, épîtres, pastorales, etc.), « mais les grands genres ne lui réussissent guère. Mis à part Arlequin Deucalion, [...] son théâtre ne mérite pas qu'on s'y attarde longtemps. Il est surtout bon dans les petits vers, ceux de l'épigramme ou de la chanson bachique ». Dont acte.

Mais, dans ce cas, comment comprendre s'il était bien le Piron de mon expression familiale ? Quel était donc cet âne ? Je doute que ce fût celui de son opéra comique en deux actes, L'âne d'or d'Apulée. J'incline plutôt à penser que cette expression fait écho aux charges répétées de Piron, dijonnais de naissance, contre les habitants de la voisine et rivale Beaune : n'avait-il pas baptisés, en effet ces Beaunois « les ânes de Beaune » dans son ode méchante Voyage à Beaune.
Deux exemples de ce genre de saillie sont donnés sur cette page-là, et je me permets de les reproduire ici :

Un jour, il coupait des chardons dans la campagne en disant à qui voulait l'entendre : « En guerre avec les Beaunois, je leur coupe les vivres » ; une autre fois, au théâtre de Beaune, alors qu'un spectateur se plaignait de ne rien entendre, il s'exclama : « Ce n'est pourtant pas faute d'assez longues oreilles ».


Mais vous vous demandez peut-être pourquoi je vous parle de Piron aujourd'hui. Après tout, des auteurs de bons mots, le siècle des Lumières n'en manqua pas. Pas plus que des ânes.
Non, si je vous parle de Piron aujourd'hui, c'est parce que ma feue grand-mère, qui m'avait légué l'expression « con comme l'âne de Piron » de son vivant, m'avait légué par la suite quelques « vieux livres ». Parmi ceux-ci, une série de neuf petits volumes, in-12, reliés en cuir, que j'avais quasiment abandonnés dans un coin. Enfin, pas tout à fait abandonnés : coincés entre deux petits chevaux cabrés en bronze servant de serre-livres, ils trônaient sur une étagère de ma bibliothèque. Ils y sont restés longtemps, jusqu'à ce que ma curiosité me ramène vers eux et que je découvre, sur la tranche de chacun d'entre eux, la mention Oeuvres de Piron. L'homme à l'âne dans ma bibliothèque !

D'une main délicate, j'ai ouvert le premier volume, pour le feuilleter, survolant les titres des chapitres (Vie d'Alexis Piron ; L'école des pères – comédie ; Callisthène – tragédie). Finalement, j'ai regardé plus en détail la page de garde, en bichromie :

Oeuvres complettes (sic) d'Alexis Piron, publiées par M. Rigoley de Juvigny, Conseiller honoraire au Parlement de Metz, de l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Dijon. Tome Premier. A Paris, de l'imprimerie de M. Lambert, rue de la Harpe, près Saint Côme. M. DCC. LXXVI.

Je vérifie que j'ai bien lu.
Oui.

M. DCC. LXXVI.
1776.



Je vous en ficherais, moi, des « vieux livres ». Neuf volumes des oeuvres de l'homme à l'âne, de 1776 ! Une publication posthume, certes. Mais un joli hasard de transmission de livres, que j'ai reçus à une période de ma vie dont le XVIIIe siècle était encore plutôt absent.



Si un jour vous héritez un « vieux livre » marqué « James Cook » et « MDCLXX » ou quelque chose d'approchant, n'hésitez pas à m'envoyer un message, je vous débarrasserai de cette « vieillerie » avec plaisir ! ;-)

L'épervier entre vos mains

J'ai déjà présenté la série de BD L'Épervier, née du talent de Pellerin. Son héros, Yann de Kermeur, corsaire par choix et fugitif par force, est passé de la représentation à plat à une forme en relief, grâce à l'éditeur de figurines Leblon-Delienne. Les passionnés de L'Épervier pourront donc casser leur tirelire (prévoir une bonne poignée de doublons, tout de même) et s'offrir une représentation de leur héros grande comme une main environ.



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Pour plus de détails, regardez la fiche de présentation de la figurine.

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samedi 12 janvier 2008

Parfum mortel

Voilà, c'est fait : après l'avoir gardé pendant plusieurs mois sur une étagère sans y toucher, j'ai enfin regardé le DVD du film Le parfum, de Tom Tykwer.

Pourquoi avoir attendu tant de temps entre l'achat et la séance de cinéma-sur-canapé ? Sans raison précise. Il se trouve que ça s'est fait comme ça. Et je me suis dit que je n'allais pas attendre encore quelques mois entre cette séance de cinéma petit écran et la rédaction de mon ressenti.

J'avais déjà lu le roman de Patrick Süskind, dont a été adapté le film. J'avais été secoué par ce roman riche et dérangeant. Riche par les différents plans de réflexion qu'il offre au lecteur : une certaine satire – voire un rejet – de la société, de ses valeurs ; une aventure initiatique, quête d'un absolu qui contient en lui la promesse de la destruction, où la réussite débouche sur l'échec ; un récit qui ne semble avancer sans revenir sur ses pas mais, au contraire, paraît tisser des boucles, des répétitions ; la juxtaposition de la laideur absolue et de la senteur parfaite, celle du réalisme le plus cru et de surnaturel le plus inattendu.


Un roman inadaptable, si l'on en croyait la rumeur. Bah, il se disait aussi que Le nom de la rose n'était pas adaptable, et Jean-Jacques Annaud a su en faire un grand film (pour l'anecdote, le film Le nom de la Rose compte parmi ses producteurs Bernd Eichinger, également producteur du film Le parfum...). Plusieurs grands noms du cinéma, pourtant, ont déclaré Le Parfum inadaptable : Stanley Kubrick (qui avait la préférence de Süskind pour lui vendre ses droits), Martin Scorsese, Milos Forman. Excusez du peu. Mais d'autres grands noms, pas moindres que les précités, se sont intéressés aux droits d'adaptation, comme Tim Burton ou encore Ridley Scott.

Finalement, c'est à l'Allemand Tom Tykwer, réalisateur de Cours, Lola, cours en 1998, que l'adaptation a été confiée. Avec l'éternelle question qui se pose alors : faut-il coller au près de l'oeuvre originelle, ou en prendre la matière et la modeler différemment, pour en faire quelque chose d'autre avec une personnalité propre ? Tom Tykwer a manifestement choisi la première option : le film devient l'illustration du roman ou, tout au moins, de la majeure partie du roman, certains passages du livre ayant été sacrifiés.

En parcourant les discussions sur Le parfum dans plusieurs forums de cinéphiles, je me suis rendu compte de plusieurs choses :
- d'une part, ce film ne laisse pas les gens tièdes. Les spectateurs se rangent en deux catégories majoritaires et bien tranchées : ceux qui ont été emballés par le film, et ceux qui le vouent aux gémonies ;
- d'autre part, bien des critiques (professionnels patentés ou simples amateurs) font état de la difficulté à traduire les odeurs en images et en font là une difficulté de ce film en général.

Je reviendrai, plus loin, sur la quasi-impossibilité à rester tiède devant ce film, et vais aborder pour l'instant cette question de la traduction des odeurs. Je ne vois pas bien en quoi il est éminemment plus difficile de traduire une odeur en images qu'en mots. Contrairement aux couleurs, nous ne disposons pas d'un vocabulaire spécifique aux odeurs. Nous pouvons exprimer une couleur par les mots « bleu clair », par exemple, sans forcément nous référer à un ciel dégagé ; mais nous désignons une odeur par exemple par une plante (par exemple la rose), et notre esprit associe l'idée de cette plante et l'odeur de la rose, pour autant que nous l'ayons déjà reniflée auparavant et mémorisée. La mémoire olfactive est, chez l'homme au moins, la mémoire la plus longue, bien plus longue que la mémoire visuelle par exemple.
Alors, pour suggérer l'odeur de poisson pas frais, nous pouvons écrire « ça sent le poisson pas frais » ou montrer à l'écran un panier de poisson qui a tourné de l'oeil, et les gens qui ont déjà senti du poisson pas frais pourront, à la lecture de ces mots ou à la vue de ces images, imaginer ce parfum douteux. Tykwer, lui, a choisi cette transposition simple, suggérer les odeurs par les images ; cependant, j'ai parfois trouvé que sa transposition manquait de légèreté. Des images trop insistantes, la répétition de gros plans sur le nez, voire les fosses nasales, pour nous faire comprendre l'importance de l'odorat dans une scène, ce n'était pas pas nécessaire.


La réalisation est particulièrement léchée, tant dans le tableau de la crasse urbaine parisienne que dans celui de la pureté campagnarde provençale. Certaines vues parisiennes (celle du Pont au change vu de la Seine) par exemple, semblent être des tableaux de Raguenet soudain animés. Mais parfois, la profusion d'images paraît ne pas arriver à contenir la volonté d'en dire beaucoup, et il m'est arrivé de décrocher sous une impression de trop-plein visuel. J'ai même trouvé que la musique était par instants trop présente, trop démonstrative. Peut-être aurait-il fallu que le rythme du récit du film s'écartât de celui du roman, que Tykwer jouât plutôt, à certains moments, sur des ellipses pour se donner, à d'autres moments, le temps de la lenteur ?

Quant à la réaction « j'aime / je déteste » face au film, elle me semble tout à fait inévitable. Elle n'est pas due au film lui-même, mais au roman, dont le film, je l'ai dit, est une transposition fidèle (voire trop fidèle à mon goût). Oui, Grenouille est un personnage malsain, dont l'esprit se complaît dans une quête qui est, pour lui, celle de la perfection et qui, pour une personne à peu près saine d'esprit, est plutôt celle de la perversion. Oui, le récit confine au surnaturel dans ses dernières parties, et suivant que l'on arrive à « y croire » ou pas, on trouve le film malignement puissant ou scabreusement irréaliste.


Ceux qui s'installent devant ce roman ou devant ce film en pensant y trouver un roman policier autour d'un serial killer dix-huitièmiste se trompent. Ces deux oeuvres traitent d'une dérangeante et obsessionnelle quête d'absolu, qui fait passer un être vil de l'état où il n'est rien à l'état où il est tout, pour enfin redevenir rien. Le monstre devient messie ou ange, pour finir par disparaître.


Ah, comme j'aurais voulu que Stanley Kubrick, le Kubrick de Barry Lyndon, se fût emparé de ce Parfum pour en faire le sien. Mais, ne dit-on pas que faute de grives, on mange des merles ? Et ce merle-ci présente tout de même des qualités qui en font un bon film, à défaut d'en faire un grand film.



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Pour des clés de compréhension du roman : Le Parfum, Laure Meesemaecker (éditions Hatier, collection Profil d'une oeuvre, n°267, 2003, ISBN 2-218-74033-8)

Pour un dossier pédagogique sur le livre et le film, voyez .


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vendredi 11 janvier 2008

Bas-de-Cuir de case en case

Le Niçois Georges Ramaïoli a exploré bien des genres et périodes historiques en bandes dessinées : le western, les Zoulous, l'époque gallo-romaine, l'épopée mongole, le polar, la science-fiction. Si je lui fais une place ici aujourd'hui, c'est pour sa série La saga de Bas-de-Cuir, aux éditions Soleil.

Ramaïoli a adapté, en six tomes parus de 1995 à 2001, les cinq romans de James Fenimore Cooper, qui nous content la vie de Nathaniel Bimppo, connu aussi comme le Tueur-de-daims, Oeil-de-faucon, ou encore Bas-de-Cuir.
Si je ne vous ai pas fait fuir en vous parlant de l'adaptation cinématographique du Dernier des Mohicans par Michael Mann, ou en vous proposant des ouvrages vous permettant de comprendre les tenants et aboutissants de la guerre franco-anglo-indienne, et si vous aimez la BD au graphisme classique, alors la saga de Bas-de-Cuir est faite pour vous. Sans être renversante, Elle est plutôt fidèle aux romans et vous donnera peut-être envie de lire Fenimore Cooper.


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La fiche de cette série sur le site de la Bédéthèque

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jeudi 10 janvier 2008

Tricornes et mocassins

Je me souviens que lorsque je découvris, adolescent, les aventures d’Œil-de-Faucon sous la plume de James Fenimore Cooper, dans une édition avec quelques illustrations, j’étais un peu interloqué par ce mélange des genres. Tricorne et habit rouge côtoyant mocassins et jambières, voilà qui avait un goût de "Fanfan la Tulipe chez les Indiens". Fortins en rondins, canoës, chasse au daim, forêts profondes, il y avait là tout un exotisme d’aventures que j’avais un peu de mal à remettre dans un contexte plus large.

J’avais pourtant bien appris, sur les bancs de l’école, que ces maudits Anglais nous avaient pris le Canada au temps du bon roi Louis XV, et que ce bon Monsieur de Montcalm en était mort. Mais il me manquait tout de même du liant, entre ces quelques bribes scolaires et les tribulations de Bas-de-Cuir. Bien entendu, cela ne m’a pas empêché de savourer, à ce moment-là, le Tueur de Daim et le Dernier des Mohicans.



C’est bien plus tard que je me suis intéressé plus avant à cette drôle de guerre, un des « théâtres d’opération », comme on dirait pour une de nos guerres d’aujourd’hui, dans un conflit que l’on pourrait « mondial » pour l’époque, puisque la guerre de Sept Ans voyait s’affronter des armées européennes non seulement en Europe, mais également dans les Amériques ou dans les Indes orientales. C’est d’ailleurs une escarmouche entre un détachement anglo-américain et un détachement français, dans cette lointaine Amérique, qui va constituer l’étincelle qui entraînera l’explosion de la guerre de Sept Ans.

Et c’est surtout chez des éditeurs anglais (descendants de ces abominables voleurs de notre Canada) que j’ai trouvé des livres très didactiques pour comprendre cette guerre que l’on appelle « franco-anglo-indienne » ou « franco-indienne ». Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : il existe de très bons ouvrages en langue française pour traiter de ce sujet ; mais je n’ai pas trouvé d’ouvrage francophone constituant une porte d’entrée aussi facile à prendre en main que ces ouvrages anglophones.

C’est principalement dans les collections de l’éditeur Osprey Publishing que j’ai trouvé mon bonheur, avec des livres pas trop longs et abondamment illustrés.



Commencer avec The French-Indian War 1754–1760 permet d’appréhender ce conflit dans sa globalité, de découvrir les forces en présence, leurs stratégies et tactiques respectives.



Plusieurs ouvrages de la série Campaign permettent de découvrir des batailles marquantes de cette guerre, que ce soit les premières victoires françaises comme la campagne de Monongahela qui conduira à l’écrasement de l’armée de Braddock, ou l’héroïque défense de Ticonderoga par Montcalm qui, contre toute attente, arrivera à repousser des assaillants largement supérieurs en nombre, ou que ce soit les défaites qui suivront, chants du cygne de l’Amérique française, avec la perte de Louisbourg puis celle de Québec sous les murs de laquelle mourront Montcalm et son adversaire Wolfe.





























La guerre franco-anglo-indienne a été à la fois une guerre de mouvement et d’escarmouche, et une guerre de position, avec une stratégie de sécurisation de frontière par une série de forts de plus ou moindre grande taille. L’ouvrage French Fortresses in North America 1535–1763 présente les plus conséquentes de ces forteresses.







Empires Collide s’attache, d’une certaine manière, à reprendre et synthétiser l’ensemble de ces aspects, abordés dans toute une série d’ouvrages déjà publiés chez Osprey dans diverses collections (Campaign, Men-at-arms, Warrior, Essential Histories, Fortress et Elite).








Avec ces différents ouvrages, il y a de quoi aborder assez facilement la question de la guerre franco-anglo-indienne.



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Références des différents ouvrages cités

The French-Indian War 1754–1760, de Daniel Marston (Osprey Publishing, Essential Histories 44, 2002, ISBN 9781841764566) [fiche sur le site de l'éditeur]

Monongahela 1754-55, Washington’s defeat, Braddock’s disaster, de René Chartrand (Osprey, Campaign 140, 2004, ISBN 9781841766836) [fiche]

Ticonderoga 1758, Montcalm’s victory against all odds, de René Chartrand, (Osprey, Campaign 76, 2000, ISBN 9781841760933) [fiche]

Louisbourg 1758, Wolfe’s first siege, de René Chartrand (Osprey, Campaign 79, 2000, ISBN 9781841762173) [fiche]

Quebec 1759, The battle that won Canada, de Stuart Reid (Osprey, Campaign 121, 2003, ISBN, 9781855326057) [fiche]

French Fortresses in North America 1535–1763, Québec, Montréal, Louisbourg and New Orleans, de René Chartrand (Osprey, Fortress 27, 2005, ISBN 9781841767147) [fiche]

Empires Collide, The French and Indian War 1754-63, de William M Fowler Jr & Ruth Sheppard (Osprey, 2007, ISBN 9781846032196) [fiche]

Ceux qui se passionnent pour les détails (organisation, uniformologie, etc.) sur certaines troupes trouveront leur bonheur dans d’autres ouvrages chez le même éditeur, en particulier dans les séries suivantes : Men-at-arms, Elite, Warrior.


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mardi 8 janvier 2008

Long John Silver en fond d'écran

Si vous appréciez le talent pictural déployé pour l'album Long John Silver, dont j'ai dit grand bien, et que vous vouliez habiller votre écran d'ordinateur aux couleurs de ce pirate, n'hésitez pas à télécharger les fonds d'écran (format 1600x1200) offerts par les éditions Dargaud au moment de la sortie de ce livre.
C'est gratuit, c'est légal, c'est sur cette page-là par exemple.

Vie et choses de la vie

Je suis plutôt friand des livres qui donnent à connaître et comprendre les aspects du quotidien dans ce qu'ils ont de terre à terre. C'est donc plutôt naturellement que je le suis tourné vers le livre collectif rédigé sous la direction de Michel Figeac, L'ancienne France au quotidien, Vie et choses de la vie sous l'Ancien Régime (éditions Armand Colin, 2007, ISBN 978-2-2003-4545-7).

Cet ouvrage est une sorte de dictionnaire d'histoire matérielle, avec ses articles qui vont d'« Aliment » à « Volaille », en passant par « Eau », « Lieux du vin » ou encore « Presse ». Pas plus qu'il ne me viendrait à l'idée de lire un dictionnaire dans l'ordre des articles de la première à la dernière page, je ne compte pas lire cette Ancienne France au quotidien selon son ordre alphabétique. Je procède comme dans mes autres flâneries, l'ouvrant à une page au hasard et découvrant un aspect, puis glissant vers le suivant ou le précédent, ou passant au contraire du coq à l'âne.
Et le tableau qui se dessine n'est pas sans rappeler celui que l'on peut se créer mentalement en visitant un musée des arts et métiers, ou un musée des arts décoratifs, tout en y ajoutant un touche vivante : les différents articles peignent en effet, à leur manière, non seulement les objets ou les gestes de la vie quotidienne, mais également les diverses couches de la société de l'Ancien Régime. Du vin du pauvre au vin du riche, du lit du pauvre au lit du riche, il y a des abîmes de distance.

Lire cet ouvrage collectif ne remplacera pas la lecture du Tableau de Paris par Mercier ou des journaux des mémorialistes de ce temps-là. Mais cela nous propose des perspectives complémentaires, des analyses historiques et sociologiques.

Bon, j'y retourne. Un dernier article, et après j'arrête, promis. Pour ce soir, en cette période de fêtes et de frimas, ce sera « Boissons exotiques (café, thé, chocolat) ».

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Fiche du livre sur le site de l'éditeur.

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lundi 7 janvier 2008

Hourrah pour Long John !

L’album Long John Silver, de Xavier Dorison & Mathieu Laffray, était l’une des bandes dessinées inspirées de L’île au trésor de Stevenson dont j’avais parlé voici quelque temps déjà. J’avais été séduit par l’approche originale (raconter, dans cette BD, ce que le roman a laissé dans l’ombre) et par la force du graphisme.

La couverture, elle-même, frappait déjà un grand coup.



Eh bien voilà que les amateurs de bande dessinée, dont je suis, ont procédé, sur l’initiative du site BD Gest’, aux récompenses d’albums publiés en 2007, récompenses soulignant les mérites dans diverses catégories (meilleur album, meilleures couleurs, etc.).

Dans la catégorie « Meilleure couverture », c’est ce tome 1 de Long John Silver qui l’emporte haut la main parmi les dix prétendants, avec plus de 41% des plus de 1.000 votes exprimés, devançant largement son dauphin (un peu moins de 13% des voix).




Que vous dire d’autre, sinon que vous ne devez pas vous arrêter à la seule contemplation de cette couverture, mais bien vous plonger au plus vite dans la lecture de cet album ? Ainsi, je ne serai plus le seul à attendre la suite avec impatience.

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Fiche de cet album sur le site de la Bédéthèque.

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dimanche 6 janvier 2008

Fragonard méconnu

Début octobre dernier, je signalais dans un billet l'ouverture de l'exposition Fragonard, les plaisirs d'un siècle, au musée Jacquemart-André à Paris.

A l'occasion de mon récent passage à la capitale, j'ai profité pour visiter ce musée pour la première fois et pour découvrir cette exposition.

Première bonne surprise, la longueur de la file d'attente était tout à fait supportable, même pour un visiteur sans billet coupe-file.

Deuxième bonne surprise, l'élégance de ce musée : autant sa façade sur le boulevard Haussmann est plutôt quelconque, autant celle sur sa cour intérieure est dégagée et agréable. Les intérieurs, eux aussi, sont très plaisants à l'oeil, comme le double escalier du jardin d'hiver.

Quant à l'exposition sur Fragonard, elle m'a conduit bien loin de l'image étriquée du Fragonard peintre de l'escarpolette. Bien évidemment, ce tableau est présent parmi les pièces rassemblées pour cette occasion mais, finalement, en se laissant porter à apprécier toutes les autres oeuvres présentées, on passe devant l'escarpolette presque sans s'en rendre compte. Certes, les pièces libertines ont leur place dans cette exposition, mais elles n'en sont qu'un des volets, à côté des oeuvres religieuses, des portraits pleins de vie, des scènes champêtres, ou encore des illustrations pleines de force pour Don Quichotte de Cervantes ou l'Orlando furioso de l'Arioste. Ce sont d'ailleurs les dessins de ces deux dernières séries qui m'ont quasiment le plus emballé parmi toutes les créations présentées.

Il vous reste encore quelques jours pour savourer cette remarquable exposition et vous rendre compte à quels points les talents de Fragonard dépassaient le petit pré libertin auquel certains s'échinent à le confiner.

Pour le cas où vous n'auriez pas la chance de hanter ces parages-là, rabattez-vous les yeux fermés – enfin, les yeux ouverts, nous nous comprenons – sur le catalogue de l'exposition : Marie-Anne Dupuy-Vachey, Fragonard, les plaisirs d'un siècle (éditions Snoeck, 2007, ISBN 978-90-5349-655-8).

Civilités

Les échos des carillons célébrant la nouvelle année se sont quelque peu éloignés, mais il me semble que les usages me permettent encore de vous souhaiter que cette année 2008 vous soit belle et bonne.

Les résolutions de début d'année relevant de cette catégorie de promesses que l'on peut énoncer et ne pas tenir sans pour autant en avoir à rougir, je ne m'avancerai pas à en dresser la moindre liste. Tout au plus vais-je m'engager à essayer de faire en sorte qu'en 2008, les salons de Monsieur de C continuent à bruisser de coups de coeur et de coups d'épée, de découvertes à partager et de fautes de goût à fustiger.

Vous n'êtes donc pas encore débarrassés de moi ! ;-)

vendredi 21 décembre 2007

En mission pour le Secret du Roi

Pendant quelque temps, Monsieur de C se fera discret. Non que la passion dix-huitièmiste se soit émoussée au fil du temps, rassurez-vous. D’ailleurs, vous aurez peut-être remarqué que si le mois de novembre fut peu bavard dans ces colonnes (d’autres passions et d’autres devoirs m’ayant quelque peu éloigné), le mois de décembre a été plus animé.

Le silence des prochains jours traduira le départ de Monsieur de C pour une mission confiée par le Secret du Roi. Après une courte étape à Paris pour y prendre connaissances des instructions plus précises, Monsieur de C franchira la Manche et se rendra dans la capitale de nos héréditaires ennemis.
Quelles discrètes tractations y seront-elles menées ? S’agira-t-il de convaincre le chevalier d’Eon de rendre ces documents secrets qui lui ont été imprudemment confiés et qu’il menace de dévoiler à l’opinion anglaise si ces extravagantes exigences ne sont pas entendus par notre bon roi ? Ou bien sera-t-il plus prosaïquement question d’aller passer quelques jours de villégiature au bord de la Tamise, en honnête promeneur ? Noël en terre anglaise, avant un retour en Guyenne pour le passage à la nouvelle année ?


En attendant de vous retrouver par ici, recevez mes cordiales salutations et mes vœux de bonnes fêtes de fin d’année.

Moonfleet en bulles

Après vous avoir dit tout le bien que je pense de Moonfleet en roman (l'oeuvre originelle, par John Meade Falkner) et en film (par Fritz Lang), je reviens devant vous pour vous parler d'une autre forme d'adaptation, en bande dessinée cette fois.

Rodolphe et Hé se sont associés pour mettre à leur tour en images ce récit. Pour autant que l'on puisse en juger au travers de ce premier tome publié récemment (éditions Robert Laffont, collection Aventure, ISBN 978-2-221-10577-1), l'histoire contée par Rodolphe et Hé est plutôt fidèle au roman.
Le dessin est plutôt classique, avec une mise en couleurs assez dense. Nous ne sommes pas sur les mêmes chemins graphiques de traverse que dans l'adaptation du Maître de Ballantrae par Hippolyte, mais cela reste tout de même très agréable à lire.

Rendez-vous dans un an environ, pour la suite de l'aventure.

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La fiche de cette série sur le site de la Bédéthèque

mercredi 19 décembre 2007

En petite société

Un pouce. Un peu plus de deux centimètres et demi. Format Tom Pouce, en quelque sorte. Voilà des invités qui ne vous encombreront pas trop, si vous les conviez dans votre salon.

Et ils crotteront sûrement moins vos tapis que les contrebandiers que je vous ai présentés voici quelques jours.

A défaut de recourir au talentueux service de costumière de Lisa, mettez à l'épreuve vos talents de peintre, et transformez ces figurines de métal terne en de petits personnages colorés. Ne lésinez pas sur les velours et les soieries, aucun tailleur ne viendra vous en réclamer le paiement.


(Figurines The Foundry)

Moonfleet by Lang

Quand Fritz Lang réalise Moonfleet (1955, sorti en France en 1960 sous le titre Les contrebandiers de Moonfleet), il ne se contente pas de traduire en images animées le roman éponyme de Falkner. Il s'inspire du roman, mais crée une oeuvre nouvelle. Et quelle oeuvre ! Bien sûr, un metteur en scène peut, dans sa carrière, réaliser du bon et du moins bon, mais le Fritz Lang de Moonfleet est bien celui du Docteur Mabuse et de M le Maudit : un grand metteur en scène.

Film du changement pour Fritz Lang (il revient à la MGM, il tourne pour la première fois en Cinémascope), Moonfleet aussi un film que Lang ne savait pas aimer, argüant notamment du fait qu'il n'était pas responsable du montage définitif et que le dénouement n'était pas celui qu'il aurait voulu tourner. Et pourtant, ce Moonfleet est un grand film.

Mais il ne faut pas se laisser tromper. Même s'il offre son comptant de duels et de chevauchées, Moonfleet n'est pas un film d'aventures trépidantes, un film de cape et d'épée bondissant. Je le vois plutôt comme un film stylisé (une impression renforcée par le tournage en studio), comme un théâtre d'ombres. Il est assez étonnant, par ailleurs, de voir que ce film repose sur des styles photographiques assez différents, entre les visions inquiétantes de l'église et du cimetière, par exemple, et des scènes plus « barrylyndoniennes » comme des clins d'oeil aux tableaux de Hogarth.


Lang n'a pas choisi d'en rester à l'opposition facile entre l'innocence de la jeunesse et la culpabilité de l'âge adulte, et il nous montre, tout au contraire, des facettes tout aussi négatives chez les différents personnages, quels que soient leurs âges. Le film me paraît empreint d'un pessimisme sur l'âme humaine, y compris dans son regard sur la jeunesse, dont l'« innocence » prend un sens second, celle d'une jeunesse plutôt ignorante et bercée d'illusions.



Alors, qu'en dire, au final ? Pessimiste ? Crépusculaire ? Beau ? Glacé ? Je ne peux pas y répondre à votre place. Il ne vous reste donc qu'à en faire vous-même l'expérience. Je suis sûr que, de toutes manières, ce Moonfleet ne vous laissera pas indifférents.


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mardi 18 décembre 2007

L'ombre des Mohune

The village of Moonfleet lies half a mile from the sea on the right or west bank of the Fleet stream. This rivulet, which is so narrow as it passes the houses that I have known a good jumper clear it without a pole, broadens out into salt marshes below the village, and loses itself at last in a lake of brackish water.

En deux phrases, le décor est planté. Un village sur la rive occidentale de l'estuaire de la Fleet. Ajoutons-y une côte fouettée par le vent, et le manoir inquiétant des Mohune. De Mohune à Moon, juste un glissement phonétique, avant de se marier à la Fleet pour donner Moonfleet. Bientôt, les personnages entreront un à un dans ce théâtre où presque tout l'histoire va se jouer.

Quand Stevenson nous entraînait au loin vers son Île au trésor, John Meade Falkner nous garde sur ces côtes du Dorset dans son Moonfleet, comme Mac Orlan nous gardait à Brest dans son Ancre de miséricorde. Mais ce n'est pas pour autant que le décor manque de consistance : les nuits de Moonfleet sont sombres, et elles forment le royaume des contrebandiers, les smugglers dans la langue de l'auteur, ce mot qui vous roule dans la bouche comme un galet sur une plage battue par la mer. Et ce petit village de pêcheurs devient, peu à peu, un lieu de mystères, de murmures et de soupçons, d'amour et de haine.

Les personnages de Falkner ne sont peut-être pas aussi riches de profondeur que ceux de Stevenson, mais ce Moonfleet est un roman qui n'a pas à rougir de la comparaison avec d'autres histoires de trésor, et même avec d'autres romans d'aventure, car tous les ingrédients y sont, et sont servis avec élégance par le ton du récit. Même si ce roman est parfois présenté comme un « livre pour la jeunesse », je trouve cela bien réducteur, et ses qualités vont bien au-delà de cette qualification étriquée. La préface que Michel Le Bris a écrite pour une des éditions françaises (éditions Phébus, collection Libretto, ISBN-13: 978-2859405175) vous dira tout cela bien mieux que moi.
Là où le jeune lecteur verra uniquement une histoire de trésor de pirates, l'adulte pourra trouver, également, une réflexion plus profonde, en fouillant la mélancolie et la noirceur de ce récit : en voulant changer de vie, en voulant prendre notre destin en main, nous ouvrons-nous un avenir radieux ou un horizon plus sombre encore ?

Moonfleet, un roman initiatique, de la belle et grande aventure, pour petits et grands.

lundi 17 décembre 2007

Faïences françaises

Il faut croire que je suis dans ma période « faïences » : après ma visite au musée Adrien Dubouché de Limoges, voilà que sur les rayons de la maison de la presse que je fréquente préférentiellement, j'ai trouvé un numéro hors série de la revue France antiquités (HS n°10, novembre 2007), consacré aux faïences françaises.

Pour un prix qui ne tourne pas au banditisme de grand chemin, voilà un guide pratique et richement illustré pour faire connaissance avec les manufactures, les modèles, les décors et les prix. Les dixhuitiémistes ne seront pas orphelins du tout puisque ce hors-série fait la part belle aux productions de cette époque.

Que vous soyez déjà familier du sujet ou béotien en la matière, vous aurez entre les mains un document d'un abord très facile, à consulter sans modération.

dimanche 16 décembre 2007

Tables à jeux

En octobre dernier, j'avais attiré votre attention sur un numéro de la revue Antiquités Brocante, qui comportait des articles intéressant les amateurs dix-huitièmistes, l'un sur la verrerie et l'autre sur les instruments géodésiques.

Dans le numéro actuel de cette revue (n°114, décembre 2007), ce sont les tables à jeux qui sont mises à l'honneur. Quel amateur du XVIIIe siècle n'a pas rêvé à une table de jacquet, de trictrac ou de bouillotte, estampillée Letellier, Dubois ou Aubry ?

Cet article de sept pages, abondamment illustré, offre un panorama assez large, notamment pour des meubles du XVIIIe siècle, âge d'or des tables à jeux.


Quelques prix indicatifs donnés par l'article amènent à comprendre qu'il faut mettre quelques sous dans la cagnotte avant de se lancer dans un achat. Par exemple, une table de bouillotte d'époque Louis XVI vaut entre 1.000 et 5.000 Euros, mais passe à 10.000 ou 15.000 euros si elle est signée Riesener. Une table de trictrac, de plus grande taille, se négocie entre 4.000 et 8.000 Euros pour un modèle du XVIIIe.

Photo : Gazette Drouot (site)


samedi 15 décembre 2007

Une grâce renversante

A l'occasion de ma visite du musée Adrien Dubouché de Limoges, j'ai bien sûr consacré un peu de temps à parcourir leur coin librairie.

Parmi les ouvrages qui m'ont tapé dans l'oeil, un livre de la Réunion des musées nationaux consacré au sculpteur Étienne Maurice Falconet (1716-1791) : Falconet à Sèvres, 1754-1766, ou, L'art de plaire, de Marie-Noëlle Pinot de Villechenon (Réunion des Musées Nationaux, 2001, ISBN-13 : 978-2711841707).


J'avais commencé à m'intéresser à Falconet et à la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres après la lecture du livre Bleu de Sèvres, de Jean-Paul Desprat.
Avec ce livre de la RMN, je peux désormais plonger plus avant dans l'art de Falconet, art auquel je trouve une grâce renversante, que ce soit pour une pièce de table ou pour une statue équestre monumentale.


(Photo : Manufacture nationale de Sèvres)


Ah, si vous n'appréciez pas le style néoclassique, passez votre chemin, car c'est bien dans ce courant que navigue cet artiste. Mais si vous l'appréciez, alors furetez ici et là sur dans les musées, dans les libraires, ou sur la toile, et régalez-vous.

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Pour une porte d'entrée vers divers sites présentant des oeuvres de Falconet, suivez ce lien-ci (anglophone, certes, mais suffisamment explicite pour être pratique).

Porcelaine à Limoges

Un déplacement professionnel vient de me conduire à une ville dans laquelle je n'avais fait qu'un passage-éclair voici plus de vingt ans : Limoges. Tentant d'oublier la ritournelle publicitaire vieille de quelques décennies et vantant un des fabricants de porcelaine de cette ville, j'ai eu un petit plus de temps devant moi, cette fois-ci, ce qui m'a permis de visiter le musée national Adrien Dubouché, consacré à la porcelaine, à la céramique, à la faïence.


(Photo : Comité départemental du tourisme de Haute-Vienne)

J'y ai principalement attiré par l'affiche sur l'exposition temporaire « Le naturalisme, Source d'inspiration pour la porcelaine », surtout centrée sur des créations d'hier et d'aujourd'hui inspirées par l'oeuvre naturaliste de Buffon.
Au-delà de cette exposition, j'ai été vraiment emballé par la richesse des collections de ce musée, des poteries gallo-romaines aux grès les plus contemporains. Et, bien sûr, par l'étage consacré aux collections XVIIIe siècle, qu'elles soient françaises, espagnoles, allemandes, italiennes ou encore chinoise.


(Photo : Comité départemental du tourisme de Haute-Vienne)

Un petit regret, toutefois : la muséographie ne me semble pas à la hauteur des richesses de ces collections. Les courts textes explicatifs posés dans les vitrines ne sont pas suffisamment mis en valeur et donnent une impression un peu vieillotte.
Evidemment, il est peu probable que vous vous lanciez dans un voyage à Limoges spécifiquement pour visiter ce musée. Mais, si vous passez par cette ville ou pas loin, n'hésitez pas à faire le détour.

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Pour en voir un peu plus : quelques pièces remarquables des collections de ce musée sont présentées sur cette page-là.

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mardi 11 décembre 2007

Moonfleet au creux de la main

Il faudra qu'un de ces jours je trace quelques lignes de ma plume pour dire tout le bien que je pense du roman de Falkner Moonfleet, et de quelques oeuvres qui en ont été adaptées pour le cinéma ou la bande dessinée.

Mais aujourd'hui, ce sont des contrebandiers miniatures que j'invite dans les salons de Monsieur de C. La firme The Foundry (anciennement Wargames Foundry) produit des miniatures remarquables de finesse de gravure et de « vie ». Et j'en ai acheté plus d'une, au long des années. Mes prochaines acquisitions se feront dans la gamme dix-huitiémiste, qui s'est agrandie hors des habituels sentiers des troupes guerrières, pour aller vers des sujets plus civils.


Aujourd'hui, je jette un coup de lanterne sur ces contrebandiers, avant que de pointer, plus tard, d'autres petits groupes de figurines dont j'entends la petite voix me dire « et nous, et nous, emportez-nous aussi! ».


lundi 10 décembre 2007

Tristes espions

Faire sonner à mes oreilles le nom de Venise éveille immédiatement mon attention (j'ai dû recevoir un conditionnement pavlovien !), et je suis également curieux de ce qui touche aux histoires d'espions. Alors, pensez, en découvrant, lors de ma première lecture des aventures de Giacomo C., il y a bien des années, la référence bibliographique à un livre intitulé Les agents secrets de Venise, je n'ai pu que m'écrier : « celui-là, il me le faut ».


Avant de feuilleter le livre, j'avais espéré y trouver les récits des grenouillages de la diplomatie secrètes de Venise dans les corridors des palais et les ruelles sombres des puissances européennes ou turque au Settecento. Mais c'est de bien autres espions que traite ce livre. Des espions presque tristes. Les textes choisis par Giovanni Comisso sont en effet tirés des archives du Conseil des Dix, autorité suprême de la Sérénissime : ce sont des billets que ses « confidents », délateurs patentés mais jamais anonymes pour être recevables, déposaient dans les « bouches de lion », ces boîtes à lettres destinées à recueillir ces confidences.


Cependant, si l'on peut ressentir quelque tristesse à voir ces citoyens, dont certains fort bien nés, chuchoter aux oreilles des inquisiteurs les turpitudes de leurs voisins, le livre fait tout de même ressortir que la plume de certains de ces confidents ne manquait pas de style, de mordant, d'ironie. Ces dénonciations dessinent en creux un portait de Venise et des Vénitiens, dans leurs activités tant publiques que privées. Et l'on se surprend à parcourir le livre de ci de là, sautant quelques pages, revenant en arrière, comme l'on passerait dans les rues et sur les canaux en tendant une oreille indiscrète.

Ecoutez ces chuchotements, il vous feront découvrir Venise autrement.



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Giovanni Comisso, Les agents secrets de Venise, 1705-1797, éditions Le Promeneur / Quai Voltaire, 1990, ISBN 2-87653-084-8

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dimanche 9 décembre 2007

Un énigmatique capitaine

Je n'aurais pas la prétention de dire que j'ai lu tout Dumas, mais force m'est de reconnaître que j'ai été surpris de découvrir, aux éditions Alteredit, un roman d'Alexandre Dumas ancré dans le dix-huitième siècle et dont je n'avais pas entendu parler jusque là : Le Capitaine Paul (alteredit, 2007, ISBN 978-2-84633-157-9). Format de poche, prix tout à fait accessible, je n'avais aucune raison de ne pas me laisser tenter.

Arrivé au bout de la lecture de ce roman, me voici bien surpris. Ce roman de Dumas, que sa quatrième de couverture qualifie de « roman d'aventures », est un peu éloigné des aventures plus trépidantes servies dans d'autres oeuvres dumassiennes plus connues. L'intrigue est plutôt classique, dans la tradition des romans où l'on redresse les torts faits dans les intrigues familiales : redonner un rang et un titre à un proscrit, favoriser un mariage d'amour, etc. Et les aventures ne sont pas vraiment portées par une vague trépidante. Cependant, les intrigues de salon ne manquent pas d'un certain cachet.
Et, sans pour autant dévoiler ce qui se trame dans l'ombre, je dirais que j'ai été assez surpris de trouver, sous le nom de ce capitaine Paul, un personnage historique que je connaissais bien par ailleurs, le corsaire américain John Paul Jones.

Si vous cherchez un roman avec de la cape et de l'épée, vous ne trouverez pas beaucoup d'épée dans celui-ci. Mais si vous appréciez les redresseurs de tort et les vieux secrets de famille, alors vous avez là de quoi passer un bon moment.

jeudi 6 décembre 2007

Polichinelle bien servi

Suis-je à ce point victime de l'influence des images sur mon pauvre esprit ? Pour attirer ma curiosité puis me faire acheter un produit, suffit-il de glisser sous mes yeux quelque détail d'un tableau de Boucher ou de Tiepolo ? Ou même simplement de quelque chose qui pourrait ressembler à du Tiepolo ?

Il faut croire que oui. C'est en effet l'illustration de la pochette qui m'avait conduit, voici un an ou deux, déjà, à prendre en main et à écouter des extraits de ce Pulcinella vendicato (Polichinelle vengé) du compositeur Giovanni Paisiello (1740-1816), dans l'interprétation par la Cappella de'Turchini, sous la direction d'Antonio Florio (chez Naïve, label Opus111, ASIN B00006IWQP).

Paisiello, bien que natif de Tarente, est une des figures de l'opéra napolitain, Naples étant la ville où il a perfectionné le talent et l'art que ses premiers maîtres avaient décelés en lui.
Ce Pulcinella vendicato est une oeuvre en un acte, basée sur la pièce en prose éponyme, de Francesco Cerlone. La rencontre du texte de Cerlone et de la musique de Paisiello, probablement en 1770, fut si brillante que, selon les mots mêmes de Cerlone, « [cette pièce] fut mise en musique par le très célèbre D. Giovanni Paisiello, et cette rencontre fut tellement heureuse que la pièce fut jouée pendant quarante soirs et avec elle s'acheva le Carnaval ».


Dès la première écoute du disque, j'ai été conquis par cette musique, alors que je n'avais, jusque là, pas vraiment connaissance de l'opéra napolitain. Cette farce en un acte conserve tous les traits de la commedia dell'arte et offre une brochette de personnages truculents. J'avais acheté le disque après en avoir écouté quelques extraits, et y avoir été encouragé par ma disquaire préférée. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert une critique tout à fait élogieuse de cette interprétation-là :
"Cette oeuvre courte, à l'écriture dense et rondement menée, est caractérisée par des arie assez brèves, très contrastées et chantées en toscan, en napolitain ainsi qu'en un langage étrange qui semble un mélange des deux. Côté chanteurs, le timbre fruité de Roberta Invernizzi (Carmosina) et l'irrésistible abattage de Giuseppe Naviglio qui "cumule" les rôles de Coviello et du Mage font merveille, mais tous les protagonistes seraient à citer tant l'esprit de troupe qui les anime aboutit à une sorte de jubilation, aussi grande sans doute que celle de l'auditeur. L'orchestre brillant, endiablé, suave et coloré, n'est pas le moindre atout de cet enregistrement, que l'on peut recommander, sans aucune réserve, comme un remède absolu à la morosité."

Voilà qui n'a pas manqué de me conforter dans l'idée que j'avais fait un bon choix.

Pour en savoir plus sur l'opéra napolitain, allez donc flâner sur le site d'un passionné. Ses mots d'accueil vous diront que vous ne vous êtes pas trompés en frappant à sa porte :
"Si vous aimez Watteau, Fragonard et Chardin, Guardi et Canaletto, Gainsborough et Hogarth, vous adorerez Piccinni, Tretta, Paisiello, Cimarosa et Martin y Soler, les principaux compositeurs d'opéra napolitain. Si les opéra de Mozart vous fascinent, vous allez découvrir avec étonnement d'autres Noces et d'autres Cosi".
Un site qui m'a apporté bien des lumières sur ce courant de création musicale.

[Je me permets toutefois de pester contre les gens qui créent des sites internet avec des outils qui rendent les pages particulièrement difficiles à lire sous d'autres navigateurs que celui du quasi-monopole, du fait des nombreux caractères spéciaux non compatibles avec des navigateurs différents.]

En attendant de trouver un enregistrement de son Barbier de Séville, dont certains disent qu'il surpasse celui de Rossini, je m'en retourne chantonner la sérénade de Pulcinella à Carmosina :

Gioia de st'arma mia cara nennella: mia luna nsestagesima, mbriana, mia luna nsestagesima, mbriana. Abbascio cca' nce sta Pollocenella, Pollocenella; ca te sona de core la Diana.

Joie de mon âme, chère enfant
ma pleine lune, ma fée tutélaire :
en bas, il y a Polichinelle qui te chante
une sérénade de tout son coeur


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mardi 4 décembre 2007

Questions domestiques


F
ouillant, à mon habitude, les bacs d'un bouquiniste bayonnais installé un jour de brocante sur le carreau des halles, j'ai mis la main sur un livre dont je découvrais l'existence ce jour-là, n'ayant pas eu souvenir de l'avoir repéré dans la bibliographie d'autres lectures. Peut-être mes yeux étaient-ils passés sur son titre sans s'y être atttardés ?

Toujours est-il que me voici désormais possesseur de Figaro et son maître, Les domestiques au XVIIIe siècle, de Jacqueline Sabattier (Editions Librairie académique Perrin, collection Pour l'histoire, 1984, ISBN 2.262.00335-1). La préface signée François Bluche n'a pas été étrangère à mon achat, car je tiens (à tort ou à raison, je ne sais) ce monsieur en assez haute affection.

Ce Figaro et son maître, ouvrage qui choisit de regarder la domesticité avec un regard social, dresse un portrait de cette partie de la population urbaine qui remet en question, en partie, l'image un peu caricaturale héritée de la littérature et du théâtre du XVIIIe siècle. En partie seulement, car romans et pièces, s'ils grossissent le trait, se nourrissent toutefois de réalité. Le livre de Jacqueline Sabattier brosse un portrait de la domesticité en en faisant ressortir les différentes facettes, se refusant à la généralisation facile ; il traite non seulement de l'état de domestique, mais également du rôle ambigu de la religion à ce sujet ou des relations à la fois distantes et intimes entre maîtres et domestiques.

S'appuyant sur des sources contemporaines, dont des archives privées (actes notariés, correspondances, mémoires), Figaro et son maître est un livre bigarré, vivant. Après l'avoir lu, vous regarderez peut-être d'un autre oeil Figaro ou Gil Blas.

Pour cet ouvrage, J. Sabattier a reçu le prix Biguet en 1985.


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Si j'en crois les prix que j'ai relevés sur quelques sites internet de vente de livres d'occasion, mon achat a été une bonne affaire, puisque j'ai déboursé une somme cinq à six fois inférieure à ce que je vois sur ces sites, et ce pour un ouvrage en très bon état. Une bonne affaire en guise de retour pour mon respect pour la gent domestique ? ;-)

lundi 3 décembre 2007

Un bon dernier



Pour que ce mois de décembre télévisuel soit vraiment dix-huitiémiste, il ne manquait plus qu'un film d'aventures épiques.

Et c'est TMC qui nous l'offre (enfin, quand je dis « nous », je veux dire « ce qui pouvons recevoir cette chaîne »), avec Le dernier des Mohicans, de Michael Mann (1992), le 10 décembre prochain. Au risque de vous faire sourire, je reconnais que ce que j'avais retenu de ce film, la première fois que je l'ai vu au cinéma, c'est la sensation, même si j'étais assis, d'avoir couru, tout le long du film. De m'être senti emporté par la course, notamment celle d'Oeil-de-Faucon. Et par la musique, entêtante, lancinante, un peu à la manière de la Sarabande de Haendel dans Barry Lyndon.

J'ai également été pris par la beauté de paysages à couper le souffle, superbement mis en valeur par la photographie, la sensation que tout est extrême, la violence comme la passion, la fureur comme le calme.

Enfin, j'ai trouvé que dans ce film, les Indiens ont une place, un rôle, qui évite les extrêmes dans lesquels le cinéma états-unien les a parfois (souvent ?) conduits : ni caricature frisant le racisme, ni angélisme déplacé, ces Indiens sont comme vous et moi, ni meilleurs ni pires, animés des mêmes sentiments bons ou mauvais, raisonnables ou irraisonnés.

Les romans de Fenimore Cooper avaient été une de mes portes d'entrée vers ces contrées fascinantes, vers cette guerre à la fois en dentelles et en mocassins, vers ces passions humaines universelles. Le film de Michael Mann, bien des années après ces lectures, m'a emporté dans un autre tourbillon, tout aussi extraordinaire.
Reprenant alors les romans en main après avoir vu le film, j'ai pu remarquer les entorses que le scénario du film de Mann a faites au récit du roman. Le film fait passer l'histoire d'amour entre les deux « Européens » (Oeil-de-Faucon n'est pas tout à fait un Indien) au premier plan, sans compter les écarts pris par le film de Michael Mann avec le roman dans les relations entre les différents personnages - surtout entre Nathanael, Cora, Alice et Uncas.

Or, si j'ai bien ressenti ce que Fennimore Cooper voulait faire passer dans son livre, c'est l'histoire indienne qui devrait être au centre du récit, et plus particulièrement celle de la fin de cette tribu des Mohicans ; en outre, Oeil-de-Faucon est, sous la plume de Cooper, un personnage plutôt individualiste et sans attache amoureuse. Michael Mann a-t-il, sciemment ou pas, donné la priorité à la romance et édulcoré le message du roman, qui dénonçait, à sa manière, l'impact que les guerres entre Européens ont eu sur les peuples indigènes (et encore, Fenimore Cooper n'a pas connu la quasi-extermination des Indiens d'Amérique du Nord durant la deuxième partie du XIXe siècle) ?

Je ne saurais trancher la question. Alors je préfère la contourner, et vous recommander tout à la fois de lire le roman et de regarder le film. Ils ne disent peut-être pas la même chose, mais pourquoi se priver de l'une ou l'autre de ces deux belles œuvres ?

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dimanche 2 décembre 2007

Un Scaramouche exceptionnel

Décidément, la télévision semble s'être mise a XVIIIe siècle, pour ce mois de décembre. Le 10 décembre prochain, Arte diffusera à 20h40, le Scaramouche de George Sidney (1952).

Si ce film est largement connu pour son duel d'escrime final (un des plus longs jamais filmés), il ne faut certainement pas s'arrêter à cela. Les personnages campés par Stewart Granger, Eleanor Parker, Mel Ferrer sont succulents, et je regrette que Janet Leigh ne soit pas mieux mise en valeur. La photographie, en Technicolor est splendide.
Le scénario de Ronald Millar ne respecte pas à la lettre le roman de Rafael Sabatini, Scaramouche, dont il s'est inspiré. Mais, tout comme Dumas trahissait l'Histoire pour lui faire de beaux enfants, ce film trahit le roman pour en faire un chef-d'oeuvre, un des très grands moments du cinéma, qu'il soit de cape et d'épée ou pas.


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Pour l'anecdote, Arte va diffuser 6 films, dont ce Scaramouche, dans le cadre d'un cycle de cape et d'épée du 10 au 18 décembre.

Toujours pour l'anecdote, George Sidney avait également réalisé un autre grand film du genre de cape et d'épée :
Les trois mousquetaires (1948), avec Gene Kelly et Lana Turner, l'adaptation de ce roman la plus brillante (et qu'importe qu'elle ne soit pas toujours fidèle, là non plus), à mes yeux.

Naturaliste et philosophe

La télévision sait tenter de nous abreuver d'inepties destinées, selon les mots cyniques mais sincères d'une de ses promoteurs, à rendre nos cerveaux disponibles pour les messages publicitaires. Mais, fort heureusement, il reste quelques créneaux diffusant des émissions nageant au-dessus de cette fange.

Sans pouvoir préjuger entièrement de la qualité de cette émission, mon regard a été attiré par le programme proposé sur France 5, le lundi 3 décembre, à 21h35 : Buffon, le penseur de la nature, un docu-fiction de Philippe Tourancheau.
Il y a peut-être, là, quelque espoir de passer un bon moment, à la découverte d'un personnage illustre non sans raison.


Georges Jean Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), intendant du Jardin du roi, a écrit et laissé à la postérité son extraordinaire Histoire naturelle, générale et particulière, synthèse des connaissances de l'époque dans les sciences naturelles : trente-six volumes dont la publication s'étalera de 1749 à 1788. Une oeuvre célébrissime et pourtant, à bien y regarder, c'est plus l'oeuvre d'un vulgarisateur que celle d'un réel observateur ou expérimentateur. Il porte sur les expérimentateurs un regard quelque peu méprisant, et soumet même le fait d'étudier quelque chose à l'utilité qui pourra être tirée de ce qui est étudié (voir son Discours de la manière d'étudier et traiter l'histoire naturelle).
Autre face du personnage, il est un philosophe des Lumières, osant par exemple séparer l'histoire de la Terre de la Création professée par l'Eglise, ce qui vaudra aux premiers volumes de son Histoire naturelle d'être censurés par ladite Eglise.

Si vous regardez bien son année de naissance, vos remarquerez que 2007 marque le tricentenaire de sa naissance. C'était le 7 septembre dernier. Et pourtant, il ne me semble pas que nous en ayons beaucoup entendu parler sur les ondes. Je souhaite que le téléfilm diffusé demain arrive à donner aux quelques curieux qui le regarderont l'envie d'en savoir plus sur ce génial vulgarisateur, un de ceux qui ont instillé en moi, voici bien des années, le goût des sciences naturelles.


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Si vous en avez le temps et l'envie, consultez l'édition en ligne de cette Histoire naturelle, sur un site dédié à Buffon par le CNRS.
Pour quelques informations complémentaires sur le docu-fiction, dirigez vous vers le site de France 5 (ici et ).