Le roman de John Cleland, Fanny Hill
(1748), auquel j’ai consacré un précédent billet, a été porté
à l’écran – grand et petit – à plusieurs reprises, avec plus
ou moins de bon goût.
Je commence par vous épargner des commentaires
sur la dizaine de films, en particulier dans les années 1960 et
1970, dont une Fanny Hill est le personnage-prétexte, et dont les
titres laissent présager qu’il ne s’agit pas de grands moments
du cinéma. Ou alors, c’est du génie caché derrière des titres
maladroits, comme Fanny Hill Meets Dr. Erotico (1969) de Barry
Mahon, ou le très prometteur, également, Jorden runt med Fanny
Hill (1974 ; en français La cavaleuse au corps chaud,
pas moins !) de Mac Ahlberg.
Point de XVIIIe siècle à
l’horizon, le seul 18 de ces films devant être celui en-dessous
duquel il était interdit de les regarder… mais au-dessus duquel il
faut vraiment n’avoir que ça en filmothèque pour les regarder.
En 1964, c’est Russ Meyer qui livre sa
version de Fanny Hill avec, dans le rôle-titre,
Letícia Román (née Letizia Novarese), dont la filmographie est
composée, en majeure partie, d’œuvres plutôt oubliables, voire
oubliées. L’étonnant, dans cette version, dont la trame n’est
qu’assez lointainement inspiré du roman, c’est que Russ Meyer,
qui deviendra le pape de la poitrine exubérante, l’archimandrite
des décolletés plus qu’opulents, le grand mufti de la starlette
mamelue, réalise ici un film qui n’arrive pas à être érotique.
Ni même comique, ou alors à un tel « degré » de
comique qu’il passe à des lieux de mon esprit. Quant à ceux qui
seraient curieux de la façon dont le XVIIIe siècle y est
représenté, je leur répondrais que c’est à peu près n’importe
quoi, à moins de considérer que la deuxième moitié du XIXe siècle
est une approximation pas trop mauvaise du XVIIIe siècle.
L’adaptation par Gerry O’Hara, Fanny
Hill (1983), est plus fidèle à l’esprit et au temps du
roman. Gerry O’Hara a été l’assistant-réalisateur de quelques
bons – voire très bons – films comme Our Man in Havana /
Notre agent à La Havane (1959) de Carol Reed, ou Term of
Trial / Le verdict (1962), de Peter Glenville. Et surtout
d’un film que les amateurs du XVIIIe siècle et de l’esprit
libertin ne peuvent ignorer : Tom Jones / Tom Jones:
de l’alcôve à la potence (1963), de Tony Richardson (je
consacrerai un prochain billet à ce Tom Jones, soit dit en
passant). Ce Fanny Hill n’est pas du grand cinéma, mais il
plane tout de même quelques lieues au-dessus de celui de Russ Meyer.
Le Fanny Hill (1995) de Valentine
Palmer, est de son côté, son unique réalisation, lui qui a été
l’acteur épisodique d’une quinzaine de films en trente ans, et
qui incarne Mr. Norbet dans son adaptation du roman de Cleland.
Adaptation mièvre, avec cette (non-)qualité d’image que donne la
vidéo de téléfilm. Bref, un de ces films érotiques donnant
l’impression d’être tournés à la chaîne et diffusés à la
chaîne, également, en troisième partie de soirée sur la TNT.
Plutôt que de veiller tard pour regarder ce navet, veillez tard pour
lire le roman !
Il faut attendre que la BBC s’empare du roman de
Cleland et en tire le téléfilm en deux parties Fanny Hill
(2007), réalisé par James Hawes (à qui l’on doit aussi
certains épisodes de la série Merlin, par exemple), pour que
cette œuvre trouve une adaptation de qualité. L’apport du
scénariste Andrew Davies n’y est pas pour rien, lui qui
avait été scénariste, entre autres, du Tailor of Panama / Le
tailleur de Panama (2001) de
John Boorman, savoureuse adaptation du nom moins savoureux
roman de John Le Carré, ou de la série Sense & Sensibility
/ Raison et sentiments (2008), d’après Jane Austen. Andrew
Davies a su adapter le roman de Cleland sans tomber dans
l’indélicatesse (j’imagine que la BBC veillait au grain,
aussi!), comme il avait su peindre avec délicatesse l’histoire
amoureuse entre deux femmes dans Tipping The Velvet (2002, 3
épisodes). Une adaptation portée, aussi, par le charme de Rebecca
Knight, dont Fanny était le premier « grand rôle » rôle
en dehors de quelques courts-métrages tournés en 2006 et 2007
Vous l’avez compris, des différentes
adaptations de Memoirs of a Woman of Pleasure / Fanny Hill,
c’est bien la plus récente qui est la plus intéressante, tant
pour son fond, respectueux du roman sans tomber dans le graveleux,
que pour son esthétique.
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J'ai publié un billet complémentaire, sur des adaptations de ce roman en bandes dessinées.
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Défis. Ce billet répond aux défis suivants :
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