samedi 28 avril 2007

Un drôle de chevalier

Cette période d’ombres et de lumières est riche en personnages sortant de l’ordinaire. Je m’en ferai l’écho ici, qu’ils soient célèbres ou moins célèbres.

J’ouvre cette galerie avec Charles Geneviève Louis Auguste Timothée de Beaumont, chevalier d’Eon (Tonnerre, 1728 - Londres, 1810).

Son histoire est compliquée à souhait, Eon lui-même, les mémorialistes et les historiens de seconde main l’ayant embrouillée à plaisir.

Fils d’un avocat au Parlement, il fait des études de droit, est reçu à la licence et se fait connaître par des ouvrages d’histoire et d’économie politique.
Son apparence fragile dissimule une exceptionnelle force nerveuse. Cavalier accompli, il est aussi l’un des meilleurs escrimeurs de son temps. Un homme à qui il vaut mieux ne pas donner prétexte à tirer l’épée. La prudence s’impose d’autant plus qu’il est habité par la susceptibilité inquiète de ceux dont l’assise sociale manque de solidité.

En 1755, il devient agent de la diplomatie secrète française, et part à Saint-Pétersbourg comme agent du « Secret du Roi ». Par la suite, il servira à Londres, où ses démêlés avec l’ambassadeur, le comte de Guerchy, et le fait qu’Eon détienne des documents secrets font passer la France tout près d’une crise majeure.
Avec d’Eon, le Secret a recruté l’un des meilleurs et l’un des pires agents de l’histoire des services spéciaux français.

Le chevalier d’Eon est aussi connu pour s’habiller en femme (sans doute à partir de 1769), sans que l’on sache bien la raison de cette fantaisie. Certains ne manquent donc pas, hier comme aujourd’hui, de soulever la question de son "hermaphrodisme". Mais les livres que j’ai consulté sur Eon ne faisait pas état de preuves de cela.
Gilles Perrault, l’auteur du Secret du Roi, indique ceci, à propos du chevalier :
"Ami des pires débauchés de Paris, il les étonne par sa parfaite sagesse ; ses amis disent qu’il est « pétri de neige » : lui-même évoquera dans une lettre de 1771 au comte de Broglie « le calme de mon tempérament naturel » et s’avouera « assez mortifié d’être encore tel que la nature m’a fait », c’est-à-dire puceau. Au physique, il est joli, délié, avec un visage fin et imberbe, des mains de fille".
Eon avait donc probablement une sorte de grâce féminine, qu’il accentuait en se travestissant. Mais rien n’indique qu’il était hermaphrodite, au sens médical de ce terme.


Quelques lectures sur le chevalier d’Eon (il y a en beaucoup d’autres, mais j’indique celles que j’ai sur les étagères de ma bibliothèque) :

Mémoires du Chevalier d’Eon. Capitaine de dragons, Chevalier de Saint-Louis, Ministre plénipotentiaire de France à la Cour d’Angleterre.
J’en ai trouvé, chez un bouquiniste, une édition "récente", aux Editions de Saint-Clair (Paris), 1967. Cette édition reproduit le texte de l’édition publiée en 1836 chez Ladvocat, libraire à Paris.
Ce livre, c’est Eon par lui-même. Quand on connaît la propension d’Eon à plus qu’enjoliver les récits le concernant, on prend cette lecture avec des pincettes quant à la véracité des épisodes qui y sont contés. Néanmoins, c’est une lecture passionnante.


Madame le Chevalier d’Eon, de Michel de Decker, chez Perrin France Loisirs, 1987.
Professeur, scénariste, journaliste, conférencier et animateur d’émissions historiques à Radio-France Normandie, Michel de Decker est parti sur les traces du chevalier d’Eon dans cet essai qui montre les différentes facettes du personnage.


Le Secret du roi (tome 2 : L’ombre de la Bastille), de Gilles Perrault, chez Fayard (Paris), 1993.
Voilà un livre qui se lit comme un roman d’espionnage. Le chevalier d’Eon est présent dans de nombreux passages de ce livre. Pour préparer la revanche sur l’Angleterre après le désastreux traité de Paris (1763), des agents secrets sont envoyés repérer les côtes anglaises en vue d’un débarquement. Tout se passe bien jusqu’à ce que le chevalier d’Eon, en bisbille avec l’ambassadeur de France à Londres, en menace de faire défection et de dévoiler l’entreprise aux Anglais.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Que pensez-vous de la légende à propos de sa relation avec la femme de George III d'Angleterre Charlotte de Mecklembourg-Strelitz et de sa prétendue paternité de Georges IV d'Angleterre