lundi 30 mars 2009

Un point cardinal


J
e fréquente peu les gens d'église, c'est un fait. Et, à de rares exceptions près, ils ne me donnent pas envie de les fréquenter plus. Malheureusement, parmi ces exceptions, il en est que je ne pourrai pas fréquenter du tout, à moins de croire à la possibilité de communiquer avec les morts.
Je me fais du cardinal Guillaume Dubois, personnalité éminente de la Régence, une image probablement fausse, car il ressemble plus, pour moi, à Jean Rochefort qui l'incarne dans Que la fête commence !, de Bertrand Tavernier, qu'à son portrait (pourtant certainement plus fidèle mais probablement moins savoureux) par Guy Chaussinand Nogaret.

Un autre cardinal que j'apprends à mieux connaître ces temps-ci est François-Joachim de Pierre, abbé puis cardinal de Bernis (1715-1794). C'est bien entendu Giacomo Casanova qui m'a présenté à Bernis, alors ambassadeur de France à Venise. Connaissant la facilité avec laquelle mon cher Vénitien prend quelques libertés avec les portraits qu'il fait de ses contemporains et des relations – spirituelles ou charnelles – qu'il a eues avec eux, j'ai voulu en savoir un peu plus sur Bernis au travers d'autres textes.

Je ne pouvais pas manquer les Mémoires que François de Bernis a lui-même rédigés (Mercure de France, Le Temps retrouvé, ISBN 2-7152-2192-4). Je ne suis pas naïf au point de croire que Bernis a dit la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dans ses Mémoires. D'ailleurs, si cela avait été le cas, j'en aurais été franchement déçu. Surtout pour un homme d'église !
Alors j'ai dévoré ces Mémoires pour ce qu'ils sont. Le regard de cet homme pas ordinaire du tout sur lui-même, sa vie, ses contemporains. Je l'y devine fidèle en amitiés comme en inimitiés, attentif à se parer de vertus en oubliant ses vices. En fin diplomate qu'il a été, il négocie avec ses lecteurs, leur offrant ce qu'il a de mieux sans s'appesantir sur les zones d'ombres.

Mais je souhaitais avoir un autre regard sur Bernis. Pas uniquement celui de ses adversaires à la plume trempée dans le vitriol, comme le duc de Richelieu qui décrivait Bernis comme « une comète qui avait une queue très longue, mais à laquelle il manquait une tête ».
C'est Jean-Marie Rouart que j'ai donc choisi comme guide. Contrairement à ce que le titre et l'illustration de couverture, inspirée de Fragonard, peuvent laisser penser, ce Bernis, le cardinal des plaisirs (éditions Gallimard, 1998, ISBN 2-07-075264-X) est tout sauf un ouvrage centré sur le libertinage. Oui, Bernis a aimé et savouré les plaisirs de la vie, mais l'ouvrage de Rouart va bien au-delà de cet aspect-là, au point que celui-ci en devient presque anecdotique.

C'est Rouart l'homme d'esprit, l'homme d'Etat, qui est à l'honneur, capable de fines manœuvres comme de coups d'éclat. Du « renversement des alliances » (la France, ancienne adversaire de l'Autriche, en devient l'alliée, contre la Prusse, ancienne alliée devenue ennemie) à la dissolution de l'ordre des Jésuites, Bernis a été le maître d'œuvre de grands changements, heureux ou moins heureux.

Quelques autres ouvrages sur Bernis chatouillent ma curiosité, de l'Éloge du cardinal de Bernis, de Roger Vaillant au Cardinal de Bernis, la belle ambition, de Jean-Claude Desprat.

Je ne vais pas quitter de si tôt une si bonne compagnie.

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