dimanche 25 mai 2008

De la barre à l'échafaud


Le chevalier de La Barre, plus connu sous ce titre que sous son nom (François-Jean Lefebvre), a eu le triste privilège d'être le dernier Français condamné à mort pour blasphème.

Le chevalier est accusé, en 1765, de divers actes d'impiété, tout comme deux de ses amis, Gaillard d’Etallonde et Moisnel : ils ne se seraient pas décoiffés au passage d'une procession religieuse, auraient chanté des chansons insultant Marie-Madeleine, et mutilé un Christ en place publique à Abbeville. Fait aggravant aux yeux de ses accusateurs, le chevalier de La Barre possédait, outre deux livres licencieux, le Dictionnaire philosophique de Voltaire.

Moisnel, très jeune, n'est pas réellement inquiété, Gaillard d’Etallonde trouve le salut dans la fuite à l'étranger, et le chevalier de La Barre, trop confiant en la justice, choisit d'affronter le procès.
Mal lui en prend puisque, malgré un solide alibi, il est finalement condamné à la torture et à la mort. Il est exécuté le 1er juillet 1766 : poing et langue coupés, il est ensuite décapité et brûlé avec un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire, préalablement lacéré
Le chevalier de La Barre a été victime de différents entre certains membres de sa famille et des personnages puissants d'Abbeville, d'une justice défaillante avalant – voire suscitant - accusations non étayées et faux témoignages, et de la profonde intolérance religieuse qui persistait en ce siècle des Lumières.

Des voix s'élèveront néanmoins pour défendre le chevalier, dont celle de Voltaire, qui devra s'enfuir pour ne pas être poursuivi lui-même ! Enfin réhabilité par la Convention, le chevalier de La Barre deviendra une figure symbolique de la lutte contre l'intolérance religieuse. Le fait que le gouvernement de Vichy ait fait déboulonné, en octobre 1941, la statue qui avait été érigée en 1897 devant la basilique du Sacré-Cœur, à Montmartre, puis déplacée au square Nadar en 1926, ne peut que souligner à quel point les libres penseurs gênent, même lorsqu'ils ne sont que des symboles, les dictateurs de tout poil, politiques ou religieux.

Le chevalier de La Barre est toutefois revenu parmi nous, le 24 février 2001, lorsqu'une nouvelle statue a été érigée en remplacement de celle déboulonnée par les vichystes. Certains se sont plaint que la statue, représentant le chevalier les mains dans les poches, n'est pas assez militante, pas assez représentative de ce qui est arrivé au chevalier, et qu'elle aurait dû montrer également le bûcher et le Dictionnaire philosophique, comme la première statue.

Le plus important, à mes yeux, est surtout de conserver la vigilance contre l'intolérance et pour la liberté de penser et de s'exprimer. Le socle de l'actuelle statue porte, gravé dans la pierre, les mots de Voltaire : « La tolérance universelle est la plus grande des lois ».


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Illustrations
La carte postale ancienne est publiée sur cette page-là.
La photo de la statue actuelle est publiée sur cette page-là.


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4 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelque part, peut-être que la statue "mains dans les poches" est plus éloquente que la mise en scène avec bûcher et dico philosophique... Le fait qu'il se tienne simplement debout, comme chacun en a le droit, et mains dans les poches, comme si sa désinvolture et sa tranquillité constituaient sa seule défense, font de l'image du chevalier de la Barre une illustration de la liberté de penser beaucoup plus parlante, je trouve... Par rapport à l'autre statue, où l'accent était mis sur le côté "spectaculaire", si je puis m'exprimer ainsi.

Mains dans les poches s'il veut, donc, et même tant qu'il le veut ;)

Monsieur de C a dit…

Cette statue "mains dans les poches" montre, à sa manière, le chevalier refusant de retirer son chapeau au passage de la procession.
Elle parle peut-être plus, dans sa sobriété, aux personnes qui connaissent un peu le personnage. Mais je ne sais pas si elle interpelle aussi fortement ceux qui ignore qui il est.

Anonyme a dit…

Nul n'est parfait, surtout pas les statues ;)

( mais il n'y a pas une plaque, ou quelque chose de ce genre ? quoique... pour le nombre de gens qui lisent les plaques sous les statues... =.=° )

Monsieur de C a dit…

Il y a bien une plaque sur le socle, mais je trouve que la mention est assez peu explicite.