samedi 24 août 2013

Le cardinal aux dents longues

C’est à Venise que j’ai croisé, pour la première fois, François-Joachim de Pierre, déjà de Bernis et abbé, mais pas encore cardinal. Dans l’Histoire de ma vie de Casanova et dans les rapports des informateurs auprès du Conseil des Dix (Giovanni Comisso en a rassemblés quelques-uns dans son ouvrage Les agents secrets de Venise – 1705-1797 ; réédition aux éditions Gallimard, collection Le promeneur, 1990, EAN 9782876530843).


En ces années 1750 commençantes, Bernis était ambassadeur de France à Venise, et Casanova, qui fut abbé lui aussi, y revenait, après un séjour autrichien. Bernis et Casanova, amateurs de plaisirs féminins et ne répugnant pas à les partager, se retrouvent à courtiser et aimer ensemble deux religieuses, « M. M. » (Maria Magdalena Pasini) et « C. C. » (Cattarina Capretta).
Cet épisode, raconté d’une plume alerte par Casanova dans ses mémoires, est rapporté dans Bernis, le cardinal des plaisirs, de Jean-Marie Rouart (Gallimard, 1998, ISBN 2-07-075264-X), d’une manière moins enlevée.



Le livre de Rouart n’est pas inintéressant pour qui a envie de découvrir Bernis, mais tant son titre que la couverture de cette édition (comme celle de l’édition dans la collection Folio) sont mensongers. Bien plus juste aurait été le titre Bernis, le cardinal de l’ambition, mais c’est Jean-Paul Desprat qui l’a retenu pour Le Cardinal de Bernis, la belle ambition (éditions Perrin, 2000, EAN 978-2262013202).

Car, cet épisode partagé avec Casanova est à peu près le seul qui, dans l’ouvrage de Rouart, fait directement référence à des plaisirs, et plus particulièrement des plaisirs libertins, en dehors de quelques plaisirs de la table et des plaisirs du paraître. Pour le reste, c’est bien le portrait d’un homme ambitieux, bien décidé à tracer son chemin vers les hautes sphères, qu’il s’agisse d’obtenir la distinction cardinalice, un poste d’ambassadeur, une élection à l’Académie française, un secrétariat d’État.


Beau portrait d’ambitieux, mais loin de mériter le titre de « cardinal des plaisirs » que lui attribue Jean-Marie Rouart (« de l’Académie française » lui aussi).

Je n’ose que du bout des doigts le présenter à ce défi « Badinage et libertinage ». Au moins pour prévenir ceux qui seraient tentés de le lire pour découvrir un cardinal libertin qu’il vaut mieux qu’ils regardent du côté de l’abbé Guillaume Dubois (devenu cardinal, lui aussi), compère jouisseur du Régent Philippe duc d’Orléans.


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